Critique | Séries

This is England ‘86, ‘88 & ‘90: chronique d’un Royaume désuni

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Titre - This is England ‘86, ‘88 & ‘90

Réalisateur-trice - Une série créée par Shane Meadows.

Casting - Avec Vicky Mcclure, Joseph Gilgun, Thomas Turgoose.

Nicolas Bogaerts Journaliste

Des skins à la rave culture, la série This is England, suite du film éponyme de Shane Meadows, redonne de la couleur à l’Angleterre des années 80.

Comme pour soigner une blessure laissée béante à la fin de son film This is England (2006) qui documentait le quotidien d’un gang de skins dont l’un des membres, Combo (Stephen Graham), sombre dans la violence, Shane Meadows a décidé deux ans plus tard d’aller reprendre le pouls de ses protagonistes. En 2010, la télé britannique prend une jolie claque avec le résultat, une série qui suit la même bande de filles et de garçons issus de la classe ouvrière, frappés de plein fouet par le thatchérisme et qui traverseront les années 1980 en trois saisons de rédemption (diffusées entre 2010 et 2015, désormais en intégralité sur Arte.tv) rythmées par les Buzzcocks, The Jam, le northern soul, les Smiths et les Stones Roses, entre autres. Dans une ville du nord de l’Angleterre ravagée par le chômage, la paupérisation, leur histoire est celle d’un cabotage houleux, d’une survie chaotique, tragique et rigolarde, à travers la décennie post- industrielle. Une matière que Meadows transforme en charge politique, satirique, sociale et comique d’une force -et parfois d’une violence- impressionnante.

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Triptyque anglais

En 1986, année de la guerre des Malouines et de la main de Maradona au Mondial du Mexique, le mariage entre Woody et Lol qui ouvre la série, finit vite en eau de boudin. Le passage à l’âge adulte est compliqué pour la bande encore hantée par l’ombre de Combo (Stephen Graham), disparu de manière piteuse à la fin du film originel. Les thèmes de l’entrée dans le monde du travail, du couple, du sexe, des conflits de générations sont au cœur de ces vies encore anarchiques. Celles de Shaun, le benjamin, et de Smell, Milk, Trev, Gadget et les autres, ribambelle de pieds nickelés qui secouent leurs démons comme d’autres le font des puces. Une autre tragédie va venir sceller imperceptiblement leur destin: le viol de Lol par son beau-père, Mick, fil d’Ariane qui relie l’année 1986 aux autres volets du diptyque, 1988 et 1990. Son rappel, comme sa reproduction, ont des effets déstabilisants qui évoquent la violence de la domination comme modèle économique et politique unique d’un néolibéralisme qui sème autant de victimes et de laissés-pour-compte. Chaque saut dans le temps amène sa litanie de crises sociales, d’événements culturels ou de phénomènes culturels, mais les blessures demeurent et leurs expédiants aussi.

Si le film était dominé par la présence de Stephen Graham, son retour surprenant dans la série ne se fait pas au détriment des autres personnages, écrits et incarnés avec réalisme et humanité. L’ensemble aussi bancal et bigarré qu’il soit parvient à définir la quintessence d’une Angleterre livide à l’ébriété salvatrice, aux musiques dissipant les cendres pour souffler sur les braises.

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