Critique | Séries/Télé

[à la télé ce soir] Gorge profonde, quand le porno est sorti du ghetto

Linda Lovelace © Damiano films
Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

Sorti en 1972 dans une Amérique où l’on se bat pour de nouveaux droits, il est le produit d’une société et le miroir de son époque. Premier film pornographique à être devenu grand public (et resté aujourd’hui encore le plus célèbre au monde), Gorge profonde a divisé une population en pleine révolution.

L’histoire de Deep Throat, c’est celle d’un coiffeur pour dames passionné de cinéma (il entend en permanence ses clientes se plaindre de leur vie sexuelle), le réalisateur Gerard Damiano, et d’une jeune femme timide, Linda Lovelace, devenue une icône de la libération sexuelle et la première superstar du X.

Time Square à l’époque est un lieu de débauche dédié au plaisir des hommes. Le quartier vit au rythme des peep shows, des sex-shops et des prostituées. Linda Borman, fille d’une femme austère et d’un policier, rêve de liberté et débarque en ville avec Chuck Traynor, un homme qu’elle vient d’épouser et qui possède un club de strip-tease. Si l’établissement doit fermer, des petits films en noir et blanc où la pénétration est obligatoire commencent à se tourner clandestinement et Chuck va y faire jouer sa femme.

Avec Deep Throat, fini la marge et les « plateaux » sordides… Damiano, qui admire Russ Meyer et ses films érotiques de série B, s’est rendu compte que les corps se dévoilent de plus en plus sur la pellicule (Le Lauréat, Macadam Cowboy, Barbarella). À l’heure du « faites l’amour, pas la guerre », le sexe devient une arme pour défier la société. Et la Cour suprême va déclarer forfait quant à définir ce qui est obscène et ce qui ne l’est pas.

Financé par des mafieux et un budget de 25 000 dollars, le film est tourné en Floride, en 35 millimètres. Si le scénario est loufoque pour ne pas dire ridicule (l’héroïne découvre le plaisir en découvrant que son clitoris est au fond de sa gorge), Deep Throat a une histoire, des personnages, des dialogues et évoque l’orgasme féminin dont on parle très peu à l’époque. Nourri par le fils de Damiano, l’actrice Annie Sprinkle, l’autrice de BD et réalisatrice Nine Antico, une réalisatrice de film porno (Paulita Pappel), un historien ou encore un archiviste et restaurateur de films de genre, le documentaire d’Agnès Poirier replace l’oeuvre dans son contexte sociétal, politique, féministe et artistique. Zoom sur un phénomène culturel, un film qui a changé les mentalités, la sexualité, et a rapporté 600 millions de dollars sans que l’équipe en voie la couleur…

Documentaire d’Agnès Poirier. ****

Samedi 19/02, 22h15, La Trois.

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