Critique scènes: Hasta la vista Rambo !

© Vivien Ghiron
Nicolas Naizy Journaliste

Comédie potache jouant avec les codes des films d’action, Kill Fiction vient briser la figure du héros aux gros bras qui fait rêver les petits garçons. Giclées de sang et sulfateuses factices à la clé.

Et si on jouait aux cow-boys et aux Indiens ? Ou aux gendarmes et aux voleurs ? Les cours de récré ont vu défiler nombre de courses-poursuites de « jeu », l’index et le pouce relevés pour mimer le flingue qui allait rétablir la justice. La figure du justicier, tout comme celle du gangster, ont fasciné des milliers d’enfants. Souvent des garçons qui connaissent par coeur les répliques de Clint Eastwood, de Sylvester Stallone ou encore d’Arnold Schwarzenegger et de notre JCVD national. C’était sans doute le cas pour David Nobrega et ses six comédiens (Benjamin Torrini, Wilhem Baerdemaeker, Colin Javaux, Mathieu Fonteyn, Jonathan Simon, Emilien Vekemans) qui ont pris au mot la scène du Théâtre de la Toison d’or comme un espace de jeu. Endroit de tous les possibles le plateau se fait décor d’un film de mafieux que Michael Mann n’aurait pas renié à la première lecture du scénario.

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null© Vivien Ghiron

Soit une bande de bras cassés, de bandits pas toujours très futés mais sympas, des bons gars qui se sont retrouvés dans les trafics presque par hasard. Quand les parrains découvrent qu’une taupe est parmi eux, ordre est donné de la démasquer. Scénario standard, mais déroulé qui l’est beaucoup moins. La bande joue donc avec les codes : un duo de petites mains digne d’un bon buddy-movie -le novice un peu naïf et le vétéran à cheval sur les règles-, une guerre des caïds pour prendre la main sur le trafic maison, flashback amenés par un ralenti, des lumières rasantes et une musique à la Ennio Morricone. Mais, tant à rester dans les références, la bande a choisi aussi un ton à la Quentin Tarantino, le réalisateur de Reservoir Dogs et de Pulp Fiction, adepte de films B, ayant été parmi les premiers à considérer le cinéma comme une machine à jouer avec ses souvenirs de spectateurs aux yeux écarquillés.

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Mais bon, dans ce « on fait comme si on était… », la prise de recul est évidente et c’est le ton comique qui l’emporte. L’imagerie d’Épinal tourne à plein régime. Chaque confrontation et échange de tirs amènent son lot de sang giclant comme des fontaines de Versailles. Les flingues résonnent d’un bruitage buccal. Auteur et metteur en scène, David Nobrega a retenu du stand-up, univers par lequel il est passé-un sens de la punchline et une construction précise de chaque personnage, tous des caricatures plus vraies que nature : le cérébral, la taré, le bêta qui cache bien son jeu…. Une scène de torture outrageusement faussement « violente » nous fait bien comprendre qu’ici tout est faux. Les rires fusent dans la salle, la distance est comprise. La bande sur le plateau s’amuse à jouer gros. Le plaisir est partagé. La grossièreté du trait vient dégoupiller la grenade d’une certaine vision de la masculinité. L’image du justicier aux gros bras, qui fait fi des règles pour atteindre son objectif, qui séduit la veuve et l’orphelin, est une construction qui à l’aune de l’époque a pris du plomb (sic) dans l’aile. Toi le héros qui m’as fait rêver, toi à qui j’ai voulu ressembler, on a bien ri, mais c’est fini. Hasta la vista.

Kill Fiction, de David Nobrega, jusqu’au 19 mars au Théâtre de la Toison d’or. www.ttotheatre.com

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