STUFF.: Groove, c’est du belge

STUFF. © Alexander Popelier
Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Combo jazz biberonné au hip hop et à l’électronique, STUFF. fait le buzz avec son premier album. L’occasion de faire la lumière sur une scène belge qui déborde de projets excitants.

La vidéo est visible sur YouTube. Filmés dans un appartement, à Bruxelles, les cinq musiciens de STUFF. sont regroupés dans un coin du salon. Le papier peint couleur vert vomi a des relents seventies. La liberté avec laquelle le combo jazz pétarade, aussi. A la moitié du set, le DJ-turntablist Mixmonster Menno balance le flow chewing-gum de Notorious BIG: « It was all a dream… » L’une des nombreuses citations extra-jazzeuses du band…

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Le concert d’une quarantaine de minutes a été filmé dans le cadre d’une Boiler Room. A la base, ce genre de session intimiste est plutôt réservé à des DJ’s. Que STUFF. puisse y ajouter son nom en dit long sur les marottes du quintet. Les mêmes qui agitent d’ailleurs un nombre de plus en plus important de jeunes groupes, biberonnés au jazz, mais passionnés pareillement d’electronica, de rap, de soul, de funk…

Sur un mur du salon abritant la Boiler Room, un seul cadre a été accroché: la pochette d’un disque, signé André Brasseur, le célèbre organiste belge, auteur dans les années 60-70 d’une série de tubes soul-jazz. De tout temps, en fait, le plat pays a réussi à ajouter son grain de sel dans la grande marmite du groove. C’est encore le cas aujourd’hui. Avec un groupe comme STUFF., mais pas seulement. Loin s’en faut. A se pencher un peu plus attentivement sur la question, c’est même une myriade de formations, DJ’s, beatmakers, chanteurs… qui pointent le bout du nez, trouvant souvent leur chemin jusqu’à l’étranger.

Quelle est par exemple l’une des plus grosses ventes belges de 2014 sur les territoires anglais et américains? Melanie De Biasio, qui avec son album No Deal y a fait jusqu’ici même mieux que… Stromae. Le disque bénéficie aujourd’hui d’une version « remixée », placée sous le haut patronage de l’Anglais Gilles Peterson, l’une des références internationales en matière de groove moderne…

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Soul party

Le cas De Biasio n’est qu’un exemple parmi d’autres. Peut-être pas le plus pertinent d’ailleurs. Il montre bien d’où vient le vent -le jazz, encore et toujours le jazz. Mais ne dévoile qu’une partie du puzzle. Là où la chanteuse se dévoue à un groove crépusculaire, boisé, organique, d’autres s’amusent à triturer des éléments plus électroniques.

Prononcé « A Taste Of Struggle », A/T/O/S est un duo formé par la chanteuse/beatmaker Amos et le producteur Truenoys. Au départ, la formule est présentée comme du dubstep. Le premier album d’A/T/O/S paru l’an dernier raconte cependant autre chose. Disque de soul moderne, la musique évoquerait ici autant les paysages décharnés à la James Blake que les classiques trip hop des années 90, type Massive Attack. « Récemment, on a par exemple fait la première partie de Tricky lors de son passage à l’Ancienne Belgique. Un honneur. » Le duo est en outre signé sur le label anglais Medi, dirigé par Mala, l’un des parrains de la bass music made in UK.

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A/T/O/S est pourtant basé à Anvers -comme l’électro-funk de Pomrad, les expérimentations d’Internal Sun (projet parallèle d’Andrew Claes, membre de… STUFF.) ou encore le label DRLR. La Métropole est loin d’avoir le monopole: Caoutchou à Gand, Crab Boogie à Namur… A Bruxelles, des enseignes comme Vlek ou Pelican Fly ont acquis une réputation qui a dépassé depuis longtemps les frontières. Du côté de Louvain, Joris Vaes dirige lui le label Tangram, sur lequel on retrouve notamment les excellents Uphigh Collective. « Nous savons très bien que jusqu’à un certain point, on s’adresse à un segment de niche. Cela étant dit, depuis deux ans, je remarque que l’industrie mainstream s’intéresse de plus en plus au genre. Elle voit que les concerts affichent sold out, que les soirées attirent du monde… »

C’est le cas par exemple des Strictly Niceness ou des soirées organisées par Funky Bompa, à Bruxelles. Depuis bientôt deux ans, Audrey Di Troia organise elle les Full Colorz à Liège, modèle du genre. « Je sortais souvent à Bruxelles, ou en Flandre. Je me retrouvais dans des p… de soirées, en me disant: « Merde, j’aimerais tellement que mes potes soient là. » Du coup, je me suis décidée à amener ce genre de beats à Liège. » A côté des beatmakers et autres D’Js, les Full Colorz ont ainsi vu passer des groupes comme A/T/O/S, Clap Clap ou STUFF… « Mes mentors, ce sont des gens comme Gilles Peterson ou DJ Lefto. »

Le modèle Moulin

Les deux noms cités sont intimement liés. Affilié à la grande famille Worldwide mise en place par le premier (un label, des festivals, une émission radio sur la BBC…), le second est l’un des piliers incontournables du groove made in Belgium. Ses sets brassent toujours large: hip hop, bass music, house, soul, funk, et même jazz. « L’autre jour, je suis passé par Uber pour me rendre à une soirée. Le chauffeur me demande ce que je comptais passer comme musique. Quand je lui ai dit que je jouais notamment du jazz, il m’a répliqué: « Mais c’est de la musique de vieux, ça! »«  (rires)

Avec ses soirées étiquetées Lefto presents, le Bruxellois contribue largement à mettre en avant les noms émergents, à côté des têtes d’affiche internationales. « S’il faut parler d’une tendance aujourd’hui, on pourrait la résumer par un mix entre le hip hop et les musiques électroniques. » Au niveau international, c’est par exemple le cas de Kanye West qui bosse avec Hudson Mowhawke ou Kendrick Lamar qui passe chez Flying Lotus… Joris Vaes, le patron de Tangram, confirme: « Cela correspond aussi à la manière qu’ont les jeunes d’écouter de la musique, où tout se mélange, comme sur l’iPod. »

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Aujourd’hui, toute une série de groupes donnent ainsi leur version d’un groove 2.0 à la Belge. Ils perpétuent en cela une tradition bien ancrée, qui remonte aux orchestres soul-jazz des années 60-70. A ce sujet, un nom revient souvent dans les conversations: celui de Marc Moulin. « On adore Telex, explique par exemple Lander Gyselynck, batteur de STUFF. Et on a souvent joué des morceaux de Placebo (le groupe jazz de Moulin, dans les années 70, ndlr), comme Humpty Dumpty. » « Ce qui est comique aujourd’hui, prolonge Lefto, c’est que les jeunes redécouvrent parfois cette génération-là via les samples des rappeurs américains. Comme J Dilla, qui reprend un échantillon de René Costy. »

Pour autant, ces musiques ne trouvent pas toujours facilement l’accès au grand public. Les soirées ont beau attirer du monde, et les artistes signer sur des labels internationaux, les « funky chicken » ne reçoivent pas toujours une visibilité conséquente. « J’ai de la chance, raconte encore Lefto. Depuis quinze ans, j’ai droit à mon émission sur Studio Brussel par exemple. Mais en dehors de ce créneau, cela reste compliqué. C’est le souci quand les gens qui décident dans les médias ne sont pas sur le terrain. » Peut-être reste-t-il un effort de pédagogie à faire? Du côté de Tangram, on ne se contente pas de sortir des disques. Le label louvaniste s’est ainsi lancé dans l’organisation d’ateliers/rencontres. Joris Vaes: « On sait bien que vendre de la musique est devenu compliqué. Avec Tangram, on a envie d’offrir un soutien à nos artistes, leur trouver des concerts, leur faire profiter de notre réseau…. C’est un peu la même idée avec ces soirées « éducatives », baptisées Beat by Beat. » Dernièrement, le producteur Jakob Iller est venu faire ainsi causette, tandis que Poldoore a décortiqué sa technique de sample. « Tous ceux qui s’intéressent de près ou de loin à la musique sont les bienvenus, qu’ils soient DJ, promoteur, producteur ou même simplement amateur qui aime sortir en club le week-end… »

Dans le Focus du 13 mars, l’interview de STUFF. et le portrait-express de trois noms à suivre: LTGL, Pomrad et Teme Tan.

STUFF., STUFF., distribué par NEWS. En concert, entre autres, ce 19/03, à l’Ancienne Belgique, Bruxelles.

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