CC c’est dégueulasse !

Pongo © (c) P.Cornet
Philippe Cornet
Philippe Cornet Journaliste musique

Le temps en l’occurrence. Fait bien belge, bien humide dès le milieu de l’après-midi. Ancestrale coutume des festivals belges trempés. Couleur Café, second jour, ce samedi 25 juin. Et d’après le boss Wallens, une édition 2022 les pieds trempés, mais qui doit atteindre le break-even.

Ce plexus numérique où un concert/festival, ne va pas perdre d’argent. Et même peut-être gagner quelques piastres. On parle d’environ 65 000 visiteurs sur les trois jours. La veille du 24 donc, ouverture sous un ciel capricieux avec la valeur Youssou N’Dour, pas loin du complet. Donnant le ton de cette édition 2022. Après, faut-il le rappeler, deux années de traversée de quasi-désert (1).

(c) P.Cornet

CC opère un changement de paradigme musical. Une équipe artistique djeunes comprenant Sammy Wallens, fils de Patrick (boss jusqu’à la suivante), cofondateur de l’événement, a ponctionné de restrictions financières tous les postes du festival. Pas question de céder à l’insensée flambée des cachets à plusieurs centaines de milliers de dollars. Pas de caisse assez profonde, pas l’envie non plus. Option réaliste : OPA aventureuse sur les artistes en découverte. Du hip hop bien sûr, depuis plusieurs années l’un des ADN de CC, et puis des sons à l’exotisme vibrant 2.0. Autrefois vêtu d’une  étiquette de world-music. Le vieux CC est mort, vive le CC nouveau. Voire le prochain.

Patrick Wallens, boss de Couleur Café (c) P.Cornet

Ronde et fière de l’être

En ce samedi 25 donc, impossible de manquer l’africanité contemporaine. Sacrée délégation que celle du Nigéria, pays le plus peuplé d’Afrique, près de 220 millions d’habitants pour une superficie d’un peu moins de deux fois la France. Depuis la saga Fela Kuti et celle, plus sage de King Sunny Ade, les sorties de mémoire discographique n’ont cessé de rappeler l’importance du funk-jazz nigérian. Ce high-life sorti du ventre de Lagos et de la dictature militaire.  Sur le coup de 18h30, -un bon vingt minutes de retard- ce samedi, Yemi Alade balance ses quelques hits –dont le carton Johnny- sans trouver de point de vue original. Ronde et fière de l’être, chaussures oranges et bas collé-glué, elle gronde le bassiste et se met à danser avec deux comparses pour une véritable sortie en club. Sous la drache. Les premiers rangs de public, jeune, noir et féminin, adore. Thumbs up. Plus intéressant, son  compatriote Rema est un ket de 21 ans, qui semble avoir trouvé une voie musicale plus perso. Mais il annule en dernière minute, malade dans sa chambre d’hôtel bruxelloise. Remplacé par Afrontal, des bruxellois façon DJ’s qui appuient sur le champignon afro-beat. En termes de succès, il est bien là.. On est rapidement passé au set de Niveau 4, futur du hip-hop belge, et on doit bien dire qu’on a surtout aimé les « accompagnateurs » jazz de la soirée, c’est-à-dire ces excellents post-jazzmen que sont Commander Spoon et ECHT ! Avec un ptit bountje quand même, pour l’une parmi la demi-douzaine de MC présents, la belgo-rwandaise Dushime. Impressionnantede lyrisme, de sensualité et d’africanité.

Yemi Alade (c) P.Cornet

Queer de Qatar

Même si notre ADN techno est limité, comment ne pas respecter Carl Craig, le Little Richard du Detroit electro ?Perso, il fait parfois penser à une version afro-américaine délirante de…Front 242 –cette  boucle infinie de MC Forest…- et de machins analogiques hasardeux et obsessionnels. L’américain de 1969, ne se contente jamais d’être DJ plastifié mais introduit de la chair dans ses mixs. Comme plus tôt dans l’après-midi, sur la même Black Stage, Deena Abdelwahed, tunisienne née au Qatar, qui incarne les vertus 2022 dance. De l’intérieur du bocal qui sert de scène à la Black Stage, juste dans son dos, on l’observe comme passionaria du beat, jeune trentenaire réclamant son statut queer. Pas trop eu le temps de s’attarder au set parce qu’il faut aller prendre le pouls d’une autre femme africaine. Pongo (1992, Angola). Le genre s’appelle kuduro : sur des synthés à la Stromae des débuts, cette musique d’abord imaginée pour le corps bougeant, prend ses aises sur la Red Stage du Samedi à l’approche de la nuit. Sur le coup de 22 heures, la lumière tombe et pas sûr que les messages de Pongo en portugais, passent dans la foule. Mais qui n’arrête pas pour autant de remuer tout ce qui constitue la joie du corps.

Deena Abdelwahed © (c) P.Cornet

(1) Fin août et début septembre 2021, CC a organisé quelques concerts nettement plus intimes sur le site de Studio Citygate à Anderlecht

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