Critique | Musique

Critique musique: premier album de Raye, la revanche

3,4 / 5
© DR
3,4 / 5

Album - My 21st Century Blues

Artiste - Raye

Genre - Pop

Label - Human Re-Sources

Critique - L.H.

Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Attendant désespérément de pouvoir voler de ses propres ailes, l’Anglaise a fini par publier un premier album pop versatile.

Excusez la tautologie, mais l’industrie musicale reste d’abord et avant tout une industrie. On ne fabrique peut-être pas (encore?) des tubes comme on assemble les automobiles. Dans les bureaux des majors, cependant, la langue parlée est encore souvent d’abord celle des chiffres. Avec ses objectifs, sa course aux résultats, ses manœuvres marketing.

Pendant un moment, Raye a pu y trouver son compte. Passée notamment par la fameuse Brit School, la jeune femme, née à Londres en 1997, a signé son premier contrat à l’âge de 17 ans, sur la major Polydor. En 2014, Rachel Keen de son vrai nom sort un premier EP, intitulé Welcome to the Winter. Trois ans plus tard, elle se retrouve sur le podium du BBC Sound of, le traditionnel coup de sonde des professionnels anglais, censés détecter les nouvelles stars de demain.

Open your ears

En cours de route, Raye va toutefois perdre le fil. Elle continue d’apparaître sur de gros tubes dance, a l’occasion d’écrire pour des pointures comme Beyoncé ou David Guetta. Mais ses projets personnels, par contre, restent en rade. Sa maison de disques ne semble pas pressée de les mettre en œuvre: dans son rôle de petite main pop, habile à trousser la mélodie qui accroche l’oreille, Raye a prouvé qu’elle pouvait faire des merveilles. L’intéressée finit toutefois par s’impatienter. Un jour, elle finit par craquer et poste un message sur Twitter dénonçant les atermoiements de son label -“J’ai signé un contrat pour quatre albums, je n’ai toujours pas pu en publier un seul. À l’été 2021, les deux parties actent le désaccord et se séparent…

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Un an plus tard, désormais libre de toutes obligations, Raye sortira son premier single en indépendant, Hard Out Here -“After years and fears and smiling through my tears/All I ask of you is open your ears”, supplie la chanteuse. Ce premier ballon d’essai est suivi de Black Mascara. En octobre dernier, Raye enchaîne avec Escapism, en duo avec l’Américaine 070 Shake. Boosté par TikTok, il deviendra son plus gros tube, obtenant la première place dans les charts anglais, et lui permettant de rentrer pour la première fois dans le classement des singles du Billboard américain. Qui a dit que la vengeance est un plat qui se mangeait froid?

© National

J’ai attendu ce moment pendant sept ans”, souffle encore Raye sur My21st Century Blues. Cela s’entend. Non seulement par la palette de styles proposée -entre la retro soul de The Thrill Is Gone, la ballade gospelisante de Buss It Down ou le son club de Black Mascara, l’Anglaise n’a pas su/voulu trancher. Mais aussi dans le ton adopté, plein de rage –All the white men CEOs, fuck your privilege!”, sur Hard Out Here. Plus largement, Raye évoque encore la pression sur le corps des femmes (BodyDysmorphia) ou l’angoisse climatique (Environmental Anxiety). Pour tout dire, la compositrice n’a pas complètement perdu ses anciens réflexes tubesques. Ici et là, le geste de My21st Century Blues est encore (un peu trop) marqué par la volonté de plaire. Soit. Dans une récente interview au Guardian, Raye l’assurait: “Je ne veux plus me soucier des statistiques”. Ce qui, au fond, reste probablement le meilleur moyen de les affoler.

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