L’Enfant prodige

© National

C’est une histoire que l’auteur de ce roman graphique aussi passionnant que perturbant a eu bien du mal à soutirer à son père. D’abord, parce que ce dernier, professeur de philosophie, refusait systématiquement d’en parler. Ensuite, parce qu’il sera frappé de démence à la fin de sa vie. Un comble et une méchante ironie: Joel J. Kupperman, le père de Michael, fut une célébrité quand il était enfant. Ses capacités cérébrales ont fait de lui l’une des grandes stars de l’émission Quiz Kids, qui déridait les foyers américains pendant la Seconde Guerre mondiale, sans jamais oublier la propagande. Avec son QI a plus de 200, ses facilités mathématiques et sa mémoire d’éléphant, le petit Joel prouvait au monde entier que les Juifs valaient autre chose que ce qu’en disait Hitler. Un message évidemment bienvenu, mais qui a volé l’enfance d’un petit garçon manipulé par sa grand-mère, les médias américains et le président Roosevelt lui-même – le «génie» du petit Joel bénéficiait à tout le monde, sauf à lui-même… Une histoire forte donc, dans un emballage graphique et narratif qui l’est tout autant, et là aussi très éloigné des clichés du genre. Dans un noir et blanc omniprésent, marqué par le malaise, les gros plans et les angoisses du fils, qui se raconte autant que son père, cet Enfant prodige, à la maquette particulièrement léchée (un petit format et une couverture cartonnée qui rappellent un carnet intime) s’avère un intense moment de lecture pour tous les amateurs de bonne BD américaine et indé.

De Michael Kupperman, éditions La Cinquième Couche, 222 pages.

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