Le Pays de Judas

© Conrad Botes/Cornélius 2023

Si, durant le XXe siècle, l’URSS fut considérée du point de vue occidental comme le Satan suprême, elle suscitait pas mal de fantasmes. À cette époque, il en allait de même pour une nation membre du Commonwealth: l’Afrique du Sud et son régime d’apartheid. Pour les gamins naïfs que nous étions, être Noir c’était bien, et mal d’être Blanc et Afrikaner. Johnny Clegg, André Brink et Nelson Mandela ont apporté depuis -et chacun à sa manière- quelques nuances à cette vision dichotomique. Au tour de Conrad Botes d’apporter un nouveau point de vue. Peintre et graveur de formation, il a créé avec son complice de toujours Anton Kannemeyer la revue de bande dessinée Bittercomix, magazine qui dénonce les reliquats afrikaners. Dans Le Pays de Judas, il aborde des thèmes plus personnels. Il ne s’attaque pas frontalement à l’apartheid, mais plutôt au poids de la religion. Bien sûr, les différentes histoires muettes qui composent l’ouvrage parlent de ségrégation, mais également de culpabilité, de violence, de tyrannie de la pensée unique et de sexe comme moyen de pression. Seules la première et la dernière nouvelles sont parlantes. La première raconte un épisode traumatisant de l’enfance de l’auteur, mais également son parcours dans les études artistiques: ce sera la seule dans le genre réaliste. Toutes les autres sont allégoriques et ont pour thème un épisode tiré de l’Ancien Testament. Il ne retient de la Bible que l’extrême violence des textes sacrés. Botes ne cache pas son admiration pour Goya et ses fameuses fresques peintes dans sa dernière demeure. Les traits à la plume font également penser à Frans Masereel et à ses gravures sur bois. Le résultat est évidemment puissant, percutant et brutal, à l’image d’un pays qui se débat encore avec les démons du passé.

© National

de Conrad Botes, éditions Cornélius, 120 pages.

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