L’Âge de détruire

© National

Que se passe-t-il dans la tête et le corps d’une petite fille de 7 ans confrontée à une mère abusive? Sur un sujet aussi sensible, Pauline Peyrade compose un récit sensoriel d’une puissance sismique. Nous sommes en 1993. Elsa découvre l’appartement que vient d’acheter sa génitrice. Bien qu’un peu désuet, ce deux chambres spacieux pourrait être un nid douillet. Sauf que très vite, des grains de sable se glissent dans la mécanique des gestes quotidiens. Il y a d’abord ces cartons qu’on ne défait pas, il y a aussi la nervosité et les reproches de l’adulte. Il y a surtout ces demandes appuyées et répétées de témoignages d’amour. Des mots aux gestes, ce qu’on pressent se matérialise dans une scène dont le malaise est décuplé par l’innocence de celle qui la raconte, prise en étau entre contrainte et loyauté: Elsa est victime d’attouchements. Comment se construire dans cet environnement toxique? La fillette peine à définir ses propres limites. Sa relation avec la belle Issa en témoigne. Incapable de réfréner ses pulsions, elle gâche cette amitié naissante. Et se retrouve prisonnière à vie de cet inceste, ce dont la seconde partie, qui se déroule 20 ans plus tard, dresse l’amer constat. “Je me sens lourde, brassée, comme si la terre s’était retournée et avait dégueulé ses vestiges.” Un cri déchirant.

De Pauline Peyrade, éditions de Minuit, 160 pages.

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