Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

LA STAR R’N’B AMÉRICAINE FILE À L’ANGLAISE, RAMEUTANT LES NOUVELLES STARS DE LA POP BRITANNIQUE. UNE OPÉRATION DE RÉNOVATION PARFAITEMENT MAÎTRISÉE.

Mary J Blige

« The London Sessions »

DISTRIBUÉ PAR CAPITOL.

7

Dans le monde de la pop, les échanges transatlantiques n’ont jamais cessé. Avec une constante, quitte à grossir le trait: à l’Amérique, le format et l’efficacité; à l’Europe -en fait l’Angleterre-, le pas de côté et la personnalité. Quand, à la moitié des années 2000, les sujets de Sa Majesté ont commencé à envahir les charts, l’industrie du disque n’a pas manqué de prendre note. Le succès stratosphérique d’Adele, par exemple, fera baver ceux qui désespéraient de voir un artiste encore vendre des disques. Ajoutez à cela la réappropriation et le détournement en règle du r’n’b par des jeunes blanc-becs britons, genre The xx ou James Blake, et il n’en fallait pas davantage pour faire bouger le curseur, même légèrement.

Pour nombre d’Américains, Londres est devenu ainsi le lieu idéal pour se redonner un coup de frais. Que Mary J Blige s’y arrête à son tour en est une preuve supplémentaire. La star r’n’b, première à avoir consacré le mariage entre la soul et le hip hop au début des nineties, sort ici son 13e album (le premier pour son nouveau label). Elle qui reste une affaire essentiellement US s’est entourée des nouveaux kings de la pop londonienne-d’Emeli Sandé à Sam Smith en passant par Disclosure. Ils ne sont pas juste là pour décorer. Sur la pochette, leurs noms sont alignés en grand, à côté de celui de queen Mary, et entre les morceaux, les uns et les autres y vont de leur petite intervention, validant le pari lancé par l’hôte du jour.

Vent de liberté

Certes, il ne s’agit pas ici de crier à la grande révolution de palais. En venant se promener du côté de Shoreditch, Mary J Blige a changé d’air, mais sans renier ses fondamentaux. Il est ainsi toujours question d’amours torturées, de liaisons aliénantes, et autres démons difficiles à chasser. Chez Mary J Blige, ses tourments ont des accents d' »authenticité » qu’elle partageait par exemple avec Amy Winehouse (prise comme elle dans les drogues et l’alcool). Son ombre ne manque d’ailleurs pas de planer sur ces Sessions londoniennes. Le disque s’ouvre par exemple avec Therapy, doo wop qui fait forcément écho à Rehab. Le titre est co-écrit par Sam Smith, qui démontre encore plus loin son don pour pondre des torch songs « bigger than life » avec Not Loving You. Ecrit par Emeli Sandé, Whole Damn Year est moins grandiloquent, mais peut-être plus poignant, notamment quand Blige chante: « It’s gonna take a long, long year for me to touch somebody/It’s been a bad five years. »

L’autre facette de l’album est ouvertement dansante. Déjà présente sur un remix de leur F For You, Blige ramène les deux jeunots surdoués de Disclosure (Follow). La mutation est ici plus spectaculaire, sans qu’elle sonne forcée pour autant. Au contraire, Blige est on ne peut plus à l’aise dans le registre de la diva électro-dance (Right Now, Pick Me Up), voire disco-garage à la CeCe Penniston (My Loving, produit par MK, ou Nobody But You, avec MJ Cole derrière la console). The London Sessions remplit ainsi parfaitement sa mission: amener le petit décalage, l’English touch qui va modifier la perspective et relancer l’intérêt. God save the queen

LAURENT HOEBRECHTS

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content