Il est temps de revoir The Opposite of Sex (Sexe et autres complications)

Avant la traversée du désert, Christina Ricci était surnommée l'"indie queen" pour ses choix de carrière audacieux. © GETTY IMAGES
Jean-François Pluijgers
Jean-François Pluijgers Journaliste cinéma

Comédie grinçante tournée par Don Roos en 1997, The Opposite of Sex ressort sur Netflix. L’occasion d’apprécier le talent de l’actrice américaine Christina Ricci, ex-star des 90’s aujourd’hui disparue des radars… Portrait.

C’est une époque proche et lointaine à la fois, la fin des années 90, quand le cinéma américain, indépendant mais pas que, s’autorisait des comédies grinçantes traversées par un mauvais esprit salutaire. En l’espèce, The Opposite of Sex, le premier long métrage de Don Roos (futur auteur de Web Therapy), disponible désormais sur Netflix, une petite perle (certes bavarde) s’employant, sur les pas de son anti-héroïne et narratrice, à dézinguer tout ou peu s’en faut, la bienséance et le bon goût en tête. Soit donc Dedee Truitt, peste patentée de seize ans qui, après un scandale aux funérailles de son beau-père honni, décide de planter là sa mère et son bled de Crevecoeur, Louisiane, pour rejoindre son demi-frère Bill, professeur d’anglais dans une bourgade de l’Indiana. Lequel n’est pas au bout de ses surprises, l’adolescente entreprenant aussi sec de séduire son compagnon, Matt, avant, enceinte, de se faire la malle avec ce dernier, embarquant les économies de son frangin et, tant qu’à faire, l’urne contenant les cendres de son ex, Tom. Et l’on n’a encore rien vu, la teenager entraînant ce petit monde et quelques autres encore dans une succession de rebondissements déjantés que le titre français du film ramassait en Sexe et autres complications, le tout brocardant allègrement les clichés, et assorti de traits d’esprit vachards débités sur un tempo cocaïné. Pour camper cette garce à la vulgarité bravache – « A Human Tabloïd », observera l’une des protagonistes-, Don Roos avait choisi Christina Ricci, qui domine ici un casting millésimé nineties, avec encore Martin Donovan, l’acteur-fétiche de Hal Hartley, Lisa Kudrow, alors en pleine période Friends, sans même parler de Lyle Lovett, sorti tout droit des films de Robert Altman. Et c’est peu dire que celle que l’on surnomma à l’époque l’« indie queen » excelle, assumant son personnage borderline avec un aplomb réjouissant, une nomination aux Golden Globes à la clé.

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Ex-star des 90’s

Si elle n’a pas encore 20 ans à l’époque, Ricci est loin d’être une inconnue. Ses galons d'(enfant) star, d’icône même, elle les a glanés une demi-douzaine d’années plus tôt sous les traits de Wednesday Addams, la fillette au front immense et aux yeux globuleux de la Addams Family de Barry Sonnenfeld, confortant son statut dans le non moins impeccable Addams Family Values deux ans plus tard, avant de capitaliser dans Casper. Le cinéma fantastique lui fait les yeux doux, l’actrice de Santa Monica (où elle est née le 12 février 1980), physique atypique et talent non moins remarquable, veille à se multiplier sur les terrains les plus divers, en une révolution permanente qui la voit, dans la seconde moitié des années 90, imposer sa personnalité chez Ang Lee (The Ice Storm) comme chez Terry Gilliam (Fear and Loathing in Las Vegas), chez John Waters (Pecker) comme chez Tim Burton (Sleepy Hollow), non sans s’autoriser encore des incursions chez Roos donc, pour The Opposite of Sex, mais aussi Vincent Gallo pour Buffalo ’66, et l’on en passe…

Le cinéma américain ne jure que par elle ou peu s’en faut, et c’est pied au plancher que Christina Ricci aborde la décennie à suivre. Woody Allen, qui l’engage pour Anything Else, salue en elle une actrice « sexy, intéressante, altruiste et complexe », et elle s’emploie à lui donner raison, brillant sous les traits de la névrosée Angela comme elle le fera aux côtés de Charlize Theron, dans Monster. Avant que Black Snake Moan ne vienne souligner, si besoin en était, l’audace de ses choix. Le chant du cygne, déjà: à compter de Speed Racer, des frères Wachowski, c’est l’embardée, qui la voit enchaîner les échecs, sinon artistiques, en tout cas commerciaux. Télévision (Pan Am, The Lizzie Borden Chronicles, qu’elle produit) ou cinéma (Bel Ami, The Smurfs 2, Distorted), sa carrière se mue en traversée du désert, l’ex-star des 90’s semblant, à l’instar d’une Winona Ryder avec qui elle partageait l’affiche de Mermaids, happée par la mécanique impitoyable de l’oubli. Si, de Stranger Things en The Plot Against America, cette dernière a su se réinventer, l’ « indie queen » a pour sa part disparu des radars, à d’improbables exceptions près. Ainsi, en février dernier, lorsqu’elle était annoncée comme « invitée principale » du Comic Con Brussels, monnayant sa gloire passée à 40 euros l’autographe, 60 le photoshoot. On n’a pas eu le coeur d’aller vérifier sur place, préférant se remémorer une interview réalisée à la faveur de la présentation d’ Anything Else à Venise, où l’actrice confiait, à rebours des canons généralement admis: « J’aspire à ressembler à une vieille dame, elles ont plus de personnalité, et à en arriver enfin à cet âge où le regard exprime tout ce par quoi l’on est passé. Bette Davis est mon modèle, je la trouve fantastique. Je brûle d’avoir pris de l’âge, pour les possibilités que ça m’ouvrira à l’écran. J’espère que le moment venu, être une actrice ayant de la bouteille ne sera plus perçu comme une malédiction à Hollywood… » C’est tout le mal qu’on lui souhaite.

The Opposite of Sex. Comédie de Don Roos. Avec Christina Ricci, Martin Donovan, Lisa Kudrow. 1997. 1h36. Disponible sur Netflix. ***(*)

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