Critique

[critique home cinema] La Nuée: une belle promesse de cinéma

© NETFLIX
Nicolas Clément
Nicolas Clément Journaliste cinéma

Un nuage de sauterelles mutantes traduit le mal-être paysan en cauchemar vampirique dans cet intéressant premier film de genre français.

Dans son glaçant court métrage survivaliste Acide (visible sur YouTube), en 2018, Just Philippot rivait sa caméra à une famille menacée par un cumulus crachant une impitoyable pluie corrosive dont l’inexorable avancée ne laissait que ruines et que friches sur son passage. La Nuée, son premier long métrage, voit le réalisateur français mettre en scène les ravages meurtriers provoqués par un nuage d’une autre sorte, en lien cette fois avec une exploitation agricole. Afin de sauver sa ferme de la faillite, Virginie, mère de famille célibataire élevant seule ses deux enfants, s’y lance en effet dans l’entomoculture, et plus précisément dans l’élevage intensif de sauterelles comestibles, insectes bourrés de protéines qui ont tout pour remplacer la viande animale dans nos assiettes. Mais, peu à peu, ses proches ne la reconnaissent plus: elle semble avoir développé un étrange lien obsessionnel avec ses sauterelles, qui la pousse à aller toujours plus loin dans sa vertigineuse logique d’expansion…

Primé au Festival International du Film Fantastique de Gérardmer en janvier dernier, La Nuée est sorti dans les salles françaises en juin mais atterrit directement sur Netflix pour la Belgique.  » Nourrir le monde de demain… À quel prix?« , interroge le slogan sur l’affiche. Résultant d’un appel à projet sur le film de genre lancé à l’initiative du magazine français So Film, le scénario de La Nuée pousse le mal-être paysan jusqu’à son paroxysme -jusqu’à la folie, donc. Son sous-texte écologique interroge le déséquilibre croissant dans le rapport de force entre l’homme et la nature. Devant la caméra de Just Philippot, le vampirisme -littéral- des insectes renvoie implacablement à celui -figuré- des humains: l’appât du gain et l’obsession du rendement comme sources définitives de la monstruosité, en somme. En ce sens, et toutes proportions gardées, le film évoque l’improbable rencontre entre l’ancrage rural du Petit paysan d’Hubert Charuel (ou du Au nom de la terre d’Édouard Bergeon) et la dimension fantastique de La Mouche de David Cronenberg (ou des Oiseaux d’Alfred Hitchcock).

[critique home cinema] La Nuée: une belle promesse de cinéma

Fort d’un regard patient, attentif aux détails, empreint de naturalisme, le film, très économe et sobre dans sa narration, doit beaucoup à la partition pleine de justesse déterminée de son actrice principale, Suliane Brahim, sociétaire de la Comédie-Française. Lancé à l’aveugle dans des expérimentations mutantes dignes d’un vieux savant fou, son personnage fait décoller La Nuée à de passionnantes hauteurs horrifiques avant que le vol n’emprunte, hélas, une trajectoire beaucoup plus prévisible. Abrupt, peu satisfaisant émotionnellement parlant, le final du premier long métrage de Just Philippot ne convainc guère, en effet. Mais la première heure du film incarne en soi une belle promesse de cinéma.

Drame fantastique de Just Philippot. Avec Suliane Brahim, Sofian Khammes, Marie Narbonne. 1 h 41. Disponible sur Netflix. ***(*)

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