À la télé cette semaine: True Detective S3, La Compagnie des loups, Jacquot de Nantes…

Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

Séries, films, documentaires: notre sélection télé pour la semaine du 12 au 18 janvier.

OPÉRATION LUNE

Documentaire de William Karel. ***(*)

Samedi 12/01, 23h30, Arte.

À la télé cette semaine: True Detective S3, La Compagnie des loups, Jacquot de Nantes...
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« Dieu créa le monde en six jours. Et le septième, Stanley Kubrick lui renvoya le tout pour modification », écrivit un beau jour un critique de cinéma. Si cette citation non dénuée d’humour souligne l’imagination débordante du génial réalisateur, elle questionne aussi le pouvoir exceptionnel de l’image. Dans Opération Lune, William Karel manipule le téléspectateur dans un grand et de plus en plus drôle détournement. Son postulat? Les historiques premiers pas de l’Homme sur la Lune regardés le 21 juillet 1969 par des milliards de téléspectateurs à travers le monde ne seraient qu’un gigantesque fake et auraient en fait été tournés par Stanley Kubrick. Le point de départ de son enquête? Pour la réalisation de Barry Lyndon, Stanley s’est fait prêter par la Nasa une caméra unique en son genre. Pourquoi l’Agence spatiale américaine lui aurait-elle confié un objectif dont il n’existe qu’un seul exemplaire au monde, le seul capable de filmer les satellites espions dans le noir absolu? Karel en signe une étonnante démonstration avec des images d’archives, un montage habile, des interviews d’experts coupées dans tous les sens et d’autres données par des acteurs. Un exercice de style pour un faux docu sérieux, de plus en plus drôle et complètement tordu… Particulièrement parlant en ces temps de manipulation de l’information. J.B.

TRUE DETECTIVE (SAISON 3)

Série créée par Nic Pizzolatto. Avec Mahershala Ali, Stephen Dorff, Carmen Ejogo, Ray Fisher. ****

Dimanche 13/01, 3h00, Be 1.

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Dans une bourgade de l’Arkansas perdue au coeur du massif des Ozarks, deux jeunes enfants, frère et soeur, disparaissent, « le jour de la mort de Steve McQueen », en chemin vers la plaine de jeu. Les détectives Hays et West mènent l’enquête, qui va bouleverser leur existence. Trois temporalités se déploient autour de l’affaire. En 1980, alors que Hays est à peine revenu des affres du Viêtnam. Puis en 1990, lorsqu’il tente de relancer sa carrière à la lumière de nouvelles révélations -même processus que la première saison de True Detective. Mais le troisième volet temporel intrigue: il se situe en 2015 lorsque, au bord de la sénilité, Hays est interrogé par une journaliste pour une émission télé revisitant la troublante affaire. Cette saison 3 effleure le filon qui fit l’or de la première de cette série anthologique. Nic Pizzolatto et son réalisateur Cary Joji Fukunaga étaient parvenus à faire d’une histoire somme toute assez mince, centrée autour du duo Harrelson-McConaughey, l’épine dorsale autour de laquelle se mouvait un monde fantasmagorique et hanté. Après le flop d’une saison deux trop volontariste, retour à la base: ancien éclaireur de l’armée, Wayne Hays est en proie à une forme de choc post-traumatique qui embrume son regard, ankylose ses mouvements. Mahershala Ali (House of Cards, Luke Cage, oscarisé pour Moonlight) donne à ses traits ce qu’il faut d’extralucidité, de fragilité et de tourments intérieurs. Sa mémoire et sa gestion ésotérique et maladive des événements sont au centre du récit. Il est épaulé par son partenaire Roland West -Stephen Dorff, impeccable en flic buriné et inquiet mais un peu à contre-jour. Leur carrière va être également impactée par le mystère, sa mise en scène macabre et les réactions de la population locale comme de leur hiérarchie. Un soin particulier semble avoir été porté à l’écriture des rôles et des intrigues secondaires. Celle qui tourne autour de Tom Purcell, père ébranlé par la culpabilité et la douleur, assumé par un Scoot McNairy décidément en grâce (Godless, Narcos: Mexico), nous flanque au coeur de l’orage sur fond de classe ouvrière à l’ère Reagan/Bush. Le désoeuvrement social, la plaie ouverte d’une guerre absurde (le Viêtnam), la violence intra-familiale, le racisme latent sont autant de thèmes émergeant des années 80 et 90 qui se retrouvent dans le contexte de 2015. Le vide d’une disparition et sa sourde violence font éclater les multiples fractures humaines. D’une lenteur étourdissante, les premiers épisodes distillent avec parcimonie les détails scabreux d’une affaire qui semble charrier des alluvions de non-dits et de mystères ancrés dans la réalité sociale et spirituelle d’une Amérique qui n’en a décidément pas fini de se frotter à ses démons. N.B.

JACQUOT DE NANTES

Film biographique d’Agnès Varda. Avec Philippe Maron, Édouard Joubeaud, Laurent Mounier. 1991. ****

Lundi 14/01, 21h00, TV5 Monde.

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Il y a tant d’amour dans ce film où Agnès Varda rend le plus bel hommage qui soit à l’homme de sa vie! Le Jacquot du titre, c’est bien sûr Jacques Demy, le réalisateur des Parapluies de Cherbourg et des Demoiselles de Rochefort, qui partagea l’existence de Varda de la fin des années 50 jusqu’à sa mort précoce, à 59 ans, le 27 octobre 1990. Elle-même cinéaste (Cléo de 5 à 7, Les Glaneurs et la Glaneuse, Visages, villages), la native d’Ixelles s’inspire des souvenirs de son défunt mari pour évoquer son enfance nantaise, puis son adolescence et son départ vers Paris pour y étudier le cinéma. Demy est incarné successivement par trois interprètes d’âges différents. Mais il apparaît aussi lui-même, dans de bouleversantes images filmées par Varda durant les derniers mois de sa vie, quand la maladie le rongeait inexorablement. Ces plans intimes sont eux aussi pleins d’un amour fervent, auquel s’ajoute l’admiration qu’éprouve Agnès pour l’oeuvre enchantée de son Jacques. L.D.

LA COMPAGNIE DES LOUPS

Film fantastique de Neil Jordan. Avec Sarah Patterson, Angela Lansbury, David Warner. 1984. ****

Lundi 14/01, 22h40, Arte.

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Une forêt mystérieuse, créée entièrement dans un studio(1) livré à l’imagination de Neil Jordan et de son directeur artistique Stuart Rose. La jeune Rosale en rêve qu’elle habite ces lieux dignes d’un conte de fées. Là, des loups rôdent, craints de tous. On dit même que certains d’entre eux pourraient se transformer en êtres humains… La Compagnie des loups est le deuxième film et le premier sommet d’un cinéaste irlandais de 32 ans que The Crying Game et Entretien avec un vampire allaient faire connaître mondialement quelques années plus tard. Inspiré d’un texte de la romancière Angela Carter, il nous entraîne dans une aventure aussi fascinante par son récit que par son esthétique. Le Petit Chaperon rouge est une des sources, librement adaptées, de ce spectacle touchant tout à la fois à l’horreur et à la poésie, à l’enfance et à la psychanalyse. Une oeuvre forte et belle, riche en frissons et en émerveillements, qu’il faut vivre comme un somptueux cauchemar éveillé. L.D.

(1) Celui, fameux, de Shepperton, dans le Middlesex, non loin de Londres.

MA PATRIE, LA LIBYE

Documentaire de Martina Melilli. ***(*)

Lundi 14/01, 00h10, Arte.

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Martina Melilli se pose beaucoup de questions. La jeune réalisatrice est italienne mais ses grands-parents, italiens eux aussi, sont nés dans les années 30 en Libye. Alors, Martina s’interroge. Elle s’interroge sur un pays où elle a ses racines mais où elle ne peut pas mettre les pieds. Pour en savoir plus, pour tenter de reconstituer le puzzle ou du moins d’en retrouver quelques pièces, elle a dégotté un interlocuteur qui vit sur place et s’appelle Mahmoud. Mahmoud est étudiant et il sera ses yeux là-bas à Tripoli, la capitale du pays. Les échanges de mails, les photos pour mieux comprendre là où elle ne peut aller, Melilli s’en sert comme d’un fil rouge. Mahmoud lui envoie des clichés pris en évitant soigneusement la milice. Il lui montre ce qu’est devenu le quartier des siens depuis qu’ils ont été chassés en 1969 par le coup d’État de Kadhafi. Entrecoupés par les récits de ses grands-parents, Martina et son ami discutent, parlent de la vie, de l’avenir, de l’amour. Même les histoires de premiers rancards sont l’occasion d’en apprendre davantage sur la ville et la vie forcément tourmentée qu’on y mène. Des vidéos d’archives se mêlent à d’autres tournées aujourd’hui par son correspondant dans ce Tripoli gagné par la terreur et la peur. La famille de Mahmoud craint d’ailleurs que Martina soit de la CIA… D’autant que le climat se durcit, que le pays est peu à peu déserté par les journalistes étrangers, que le bruit des armes résonne. Un zoom sur le quotidien en Libye et le sort jadis réservé à ses Italiens raconté à travers une amitié naissante. J.B.

MA VIE DANS L’ALLEMAGNE D’HITLER

Documentaire de Jérôme Prieur. ***(*)

Mardi 15/01, 22h20, Arte.

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Au départ, une enquête qui a dû paraître si incongrue et inintéressante à l’époque qu’elle n’a semblé alerter personne: en 1939, trois chercheurs de Harvard, aux États-Unis, lancent, par voie de presse, une vaste enquête auprès des Allemands ayant fui le nazisme, afin qu’ils racontent l’avant- et l’après-30 janvier 1933, moment de l’accès au pouvoir d’Hitler et de sa clique. Ces témoignages d’origines sociales, politiques et religieuses diverse, constituent un compte-rendu inquiétant, au regard de l’actualité, de la facilité avec laquelle toute une population peut sombrer dans l’horreur, le délire égotique, la haine de soi et des autres, la violence, l’outrance, le mensonge, tout en se réjouissant des vapeurs euphorisantes d’un ordre nouveau à la pureté et la vérité parfaitement fantasmées. Dits par la voix sublime et pudique de l’artiste allemande Ute Lemper, ces témoignages proviennent de familles juives, de chrétiens ou d’athées ayant manqué de succomber aux sirènes nazies, d’opposants politiques, d’hommes et de femmes qui ont vu amis, familles et enfants sombrer dans l’hypnose collective, les premières dénonciations, les déportations, la violence, précédant la fuite en avant inexorable. Derrière les images d’archives personnelles ou officielles posées avec beaucoup d’à-propos sur les mots, se dessinent les traits d’un État qui se veut omnipotent, autosuffisant, définissant son propre credo, l’imposant aux masses par la séduction, la flatterie, les discours de contre-vérités, puis la force. N.B.

LA VIE BALAGAN DE MARCELINE LORIDAN-IVENS

Documentaire d’Yves Jeuland. ***(*)

Mercredi 16/01, 22h35, Arte.

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« Toute sa vie, on a l’âge du traumatisme qu’on a vécu. Alors toute ma vie, j’aurai quinze ans. » Ainsi parlait Marceline Loridan-Ivens au micro d’Yves Jeuland, sur une scène parisienne, en 2014, où elle racontait, poignante et drôle, son existence marquée par la déportation. Disparue en septembre 2018, cette femme au destin hors du commun, qui a rencontré Simone Veil à Auschwitz-Birkenau, où elle fut deportée avec son père après avoir été arrêtée le 29 février 1944, à quinze ans, a brillé de mille feux et mené une existence d’une curiosité avide, tous azimuts -« balagan » signifie « bordélique » en hébreu. Son témoignage, un peu alourdi par le dispositif de l’entretien scénique, raconte les déchirements, les privations et l’horreur. L’émotion noueuse et abondante à l’évocation de son père, qu’elle ne reverra pas après le camp. Elle parle de ses faims de documentaristes (18 films), de sa jeunesse retrouvée à Saint-Germain, de cet appétit de vie adolescente qui n’aura pas quitté cette figure essentielle et exemplaire. N.B.

ATLANTA (SAISON 2)

Série FX créée par Donald Glover. Avec Donald Glover, Brian Tyree Henry et Lakeith Stanfield. ****

Le jeudi à 20h30 sur Be 1 et disponible sur Be à la demande.

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La saison 2 d’Atlanta explose les formats et les conventions pour mieux dépeindre une Amérique zarbie et malade. Black vision…

>> Lire notre article.

LA BATAILLE DE WASHINGTON

Documentaire de Pascal Vasselin et Jacques Charmelot. **(*)

Jeudi 17/01, 22h40, La Une.

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La Bataille de Washington. Dit de la sorte, on pense à une espèce de Waterloo américain. À des chevaux, des baïonnettes et des canons… Mais c’est bien d’aujourd’hui dont il s’agit. Deux années de guerre politique et judiciaire entre le président des États-Unis et ceux convaincus qu’il a été complice de l’ingérence de Moscou lors de l’élection présidentielle américaine de 2016. On connaît l’histoire. Les Russes ont volé et rendu public des milliers d’e-mails de la candidate Hillary Clinton afin de dévoiler ses faiblesses. Jamais une opération clandestine de cette ampleur, de surcroît visant le coeur du processus démocratique, n’avait été menée contre les États-Unis. Mais Donald Trump en a-t-il été complice? Les Russes détiennent-ils des dossiers compromettants pour le faire chanter? Rythmé à l’américaine sur un ton et une bande-son trop sensationnalistes, avec des images en mode caméras de surveillance, ce docu n’apporte pas grand-chose au débat. Espionnage, guerre des nerfs, mensonges politiques, fake news et théories trumpiennes du complot… Rien de bien neuf sous le soleil. J.B.

GÉNÉRATION SPOUTNIK: L’ÂGE D’OR DE LA SCIENCE-FICTION

Documentaire d’André Schäfer et Jonas Niewianda. ***(*)

Vendredi 18/01, 00h00, Arte.

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En octobre 1957, les signaux émis par Spoutnik 1, le premier satellite soviétique en orbite, fascinent la planète. Les Russes semblent avoir gagné la course à l’espace, prenant les Américains de vitesse. Les sixties, années optimistes où tout peut arriver, seront celles de l’innovation, d’une foi sans borne dans le progrès technique et d’espérances incroyables quant au futur. Les débuts de la conquête spatiale ont titillé l’imagination des artistes et ont été accompagnés d’une nouvelle culture populaire. Qu’elle se décline dans la littérature, la bande dessinée, le cinéma ou les séries télévisées. Génération Spoutnik: l’âge d’or de la science-fiction revient sur l’histoire d’une certaine SF. Il se promène chez un futurologue du monde germanophone et sa maison de demain. Se fait l’ascenseur de l’Atomium. Puis raconte la série Mister Terrific (le héros avait trois pilules qui lui donnaient une force supérieure), le robot jouet Mr. Machine, la première BD de science-fiction allemande Nick l’astronaute ou encore les aventures de Valérian et Laureline… Très germano-français, le documentaire d’André Schäfer et Jonas Niewianda vole de Charles Paul Wilp, qui créait en apesanteur et avait un projet d’école d’art dans l’espace, à la Barbarella de Jean-Claude Forest incarnée par Jane Fonda. Le tout en parlant musique (The Spotnicks, The Tornados), littérature et architecture. J.B.

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