À la télé cette semaine: Buffet froid, Swagger, 24h Europe, Des humanitaires sur le chemin d’Allah…

Nicolas Clément
Nicolas Clément Journaliste cinéma

Notre sélection de films, séries et documentaires à voir à la télé ou sur Netflix, du 4 au 10 mai 2019.

24H EUROPE: THE NEXT GENERATION

Documentaire de Britt Beyer et Vassili Silovic. ****

Samedi 4/5 dès 6.00 Arte

Le dernier ado d’un village en Bulgarie, une radioécologiste de Tchernobyl, le plus jeune muezzin de Sarajevo, un rappeur de Rambouillet qui travaille comme éducateur avec de jeunes autistes, la représentante d’un parti d’extrême-droite allemand (l’AfD) dont le père est originaire du Pakistan ou encore une drag queen et youtubeuse berlinoise spécialisée dans les tutos maquillage… Notamment diffusé sur Arte et sur La Trois, de 6h du matin le samedi à 6h du matin le dimanche, 24h Europe: The Next Generation est un documentaire exceptionnel qui part à la rencontre de celles et ceux qui feront le vieux continent de demain. En Belgique aussi d’ailleurs où l’on suit une policière bruxelloise et un séminariste de Namur qui s’était engagé à 18 ans dans l’armée belge et est ordonné prêtre.

Quatre jours de tournage (en juin 2018), dix mois et six salles de montage. 45 équipes, 260 personnes mobilisées, 61 protagonistes suivis, quelque 45 réalisateurs impliqués pour 700 heures d’images. Les chiffres parlent d’eux-mêmes et laissent entrevoir l’ampleur gargantuesque de la tâche. Déjà testé à travers 24h Berlin, une journée en capitale (2009) et 24h Jérusalem (2014), le processus narratif suit chronologiquement en temps réel une journée aux quatre coins de l’Europe. Pas de mise en scène, pas de lumière, caméra à l’épaule… Filmés dans leur environnement et leurs activités quotidiennes, des jeunes âgés de 15 à 30 ans partagent un petit bout de leur vie. Racontent leurs préoccupations, leurs soucis, leurs espoirs, leurs rêves.

À travers leur portrait, c’est l’Europe qui se dessine. L’Europe du présent. L’Europe du futur. La Grèce et ses cures d’austérité, les Pays-Bas où le chômage des jeunes est au plus bas… La Finlande, ses lacs et ses bois où deux jeunes filles discutent de leurs désirs et de leur avenir perchées sur un toit. Alexander qui en Ukraine dirige les tirs d’artillerie depuis son bunker… Le documentaire de Britt Beyer et Vassili Silovic évoque les grands thèmes d’aujourd’hui: mobilité, écologie, nouveau féminisme, urbanisation, radicalisation politique, chômage… Alors que le Brexit fait flotter doutes et inquiétudes sur l’Union, qu’approchent à grands pas des élections européennes où extrême-droite et eurosceptiques risquent de gagner du terrain, 24h Europe fait oeuvre d’utilité publique, cultive la différence et ouvre les yeux. Le programme qui donne à entendre 28 langues ou dialectes a été traduit et sera disponible en replay pendant un an et dans six langues. Le français et l’allemand forcément. Mais aussi l’anglais, l’espagnol, le polonais et l’italien. Un docu sur le programme de mobilité Erasmus, un autre sur les électeurs loin des grandes villes figurent dans les grilles des prochains jours… Arte enfoncera le clou européen jusqu’au jour du scrutin.

Julien Broquet

ALBERT KAHN: REFLETS D’UN MONDE DISPARU

Documentaire d’Augustin Viatte. ***(*)

Dimanche 5/5 17.35 Arte

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© DR

C’est l’histoire d’un banquier philanthrope (quasi inimaginable en 2019) qui voulait enregistrer la mémoire du monde pour rassembler les peuples en favorisant le dialogue des cultures. Celle d’un millionnaire humaniste et aventurier qui a fait fortune en misant sur le diamant et l’or d’Afrique du Sud. Celle d’un pacifiste convaincu qui a investi dans le cinéma et la photo couleur pour dresser l’inventaire d’un monde aujourd’hui disparu. Né en Alsace, à Marmoutier, en 1860, fils d’un marchand de bestiaux juif, Albert Kahn voulait offrir à ses contemporains le privilège du voyage nécessaire à la compréhension du monde. Leur ouvrir les yeux sur le choc des cultures et l’emprise de la colonisation… Convaincu que le progrès améliorerait la condition humaine, que la connaissance de l’autre favoriserait la collaboration entre les peuples et que le dialogue mènerait à la tolérance et à la paix universelle. Kahn y a consacré sa vie et sa fortune. De ses merveilleux jardins de Boulogne-Billancourt à ses Archives de la planète (remarquable collection d’images qui documentent la vie sur terre), le documentaire d’Augustin Viatte tire le portrait d’un homme mystérieux, grand organisateur d’un monde en miniature. Un docu romanesque, aéré et idéaliste à l’image de son merveilleux sujet.

J.B.

UNFORGOTTEN (SAISON 3)

Série créée par Chris Lang. Avec Nicola Walker, Sanjeev Bhaskar, James Fleet, Alex Jennings, Kevin McNally. ****

Dimanche 5/5 23.45 France 3

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La détective principale Cassie Stuart et l’inspecteur « Sunny » Khan poursuivent leurs enquêtes sur des meurtres passés et enterrés, littéralement, exhumés sous forme de vagues restes humains dans des lieux improbables. En l’occurrence, ici, le squelette d’une jeune femme retrouvé dans les tunnels du métro. Bien ancrée sur ce pitch, la série britannique pivote aisément, depuis trois saisons, vers une narration lente, patiente, qui multiplie les perspectives, approfondit les angles de vue et les appels du pied à l’actualité d’Albion. Sur une écriture virtuose, la réalisation efficace rend compte de toute la complexité de l’affaire en remontant le fil de l’existence de la victime, à mesure que les enquêteurs retrouvent des indices, des lieux, des objets liés à sa vie et au mobile du crime. Redonnant à la victime sa chair humaine, et donc sa dignité, Unforgotten fait de même avec les enquêteurs, un duo qui ne fonctionne pas en termes d’attirance/répulsion mais sur le fil d’un touchante confraternité.

N.B.

PARLE AVEC ELLE

Drame de Pedro Almodóvar. Avec Javier Cámara, Dario Grandinetti, Leonor Watling. 2002. ****(*)

Lundi 6/5 20.55 Arte

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Placé en ouverture d’un très beau cycle Almodóvar, ce film du début des années 2000 est une des oeuvres majeures du grand cinéaste espagnol. Tout commence dans un théâtre où se déroule une représentation du Café Müller de Pina Bausch. Deux spectateurs qui ne se connaissent pas sont assis l’un à côté de l’autre. L’un laisse échapper une larme, l’autre le remarque… Nous les retrouverons au fil d’une intrigue fascinante, où l’amour et la souffrance, l’art et la compassion, figurent en bonne place. Servi par d’excellents acteurs, Almodóvar allie à merveille le trivial et le sublime, le réalisme et le romanesque. Son film suscite une immense émotion, sans pourtant recourir aux effets sentimentaux. On s’y plonge avec bonheur et on en émerge un peu différent. Le spectacle est aussi une expérience humaine, d’une peu banale intensité. À voir et à revoir!

L.D.

BUFFET FROID

Comédie dramatique de Bertrand Blier. Avec Gérard Depardieu, Bernard Blier, Jean Carmet. 1979. ****(*)

Lundi 6/5 20.50 France 5

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César du meilleur scénario, ce petit chef-d’oeuvre d’humour noir et décalé aurait pu revendiquer bien plus. Bertrand Blier y tutoie les sommets avec un spectacle d’une rare originalité, où jouent des acteurs formidables… dont son propre père Bernard dans un de ses meilleurs rôles. Le film nous invite dans le sillage d’Alphonse Tram (Gérard Depardieu), jeune chômeur qui croise un homme dans le RER, et le retrouve un peu plus tard, mourant, un couteau planté dans le corps. Revenu dans la tour où il habite, il y rencontrera un policier bizarre (papa Blier) et un assassin non moins étrange (Jean Carmet), avec lesquels il formera bientôt un trio inédit… Nous n’en dirons pas plus sur les méandres d’un récit aussi absurde que riche en surprises et en situations délirantes et hilarantes. N’ayant pas pris une ride depuis 40 ans, ce Buffet froid est un pur régal!

L.D.

PUTAINS DE CAMIONS: LES POIDS LOURDS EN QUESTION

Documentaire de Jens Niehuss. ***(*)

Mardi 7/5 20.50 Arte

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Embouteillages, pollution, usure des infrastructures routières, insécurité… La liste des doléances à l’égard des poids lourds est conséquente. Sur quelle base réelle s’appuie-t-elle? Ce documentaire, austère mais édifiant, y répond clairement. À ceux qui s’inquiètent des files de poids lourds qui serpentent et zigzaguent sur les autoroutes, le documentaire donne d’abord deux chiffres: plus de 80% des marchandises transitent par voie routière et le nombre de camions en circulation devrait augmenter de 40% dans cinq ans. Bardaf! L’explication et la description des raisons de cet état de fait sont aussi passionnantes que désolantes: la situation relève d’un choix d’économies à court terme (diesel moins cher, dumping salarial…) mais aussi de notre mode de vie qui fait exploser le commerce en ligne. Alors qu’un tiers de ces véhicules roulent à vide, que les investissements massifs dans les autoroutes masquent mal des intérêts privés colossaux, l’exemple helvétique qui promeut le passage au ferroviaire est-il si illusoire? Réponses en 1h30, sans pause pipi.

N.B.

LES NOUVEAUX MERCENAIRES RUSSES

Documentaire d’Étienne Huver et Félix Seger. ***

Mardi 7/5 22.25 Arte

À la télé cette semaine: Buffet froid, Swagger, 24h Europe, Des humanitaires sur le chemin d'Allah...
© DR

« Vous avez les soldats. Vous avez les espions. Et maintenant, il y a les hackers. La cyberguerre a commencé. » Conflits informatiques, piratages d’ordinateurs, récupération de bases de données… Si la lutte cyberarmée ne s’arrêtera probablement jamais, les Russes semblent pour l’instant avoir un solide avantage sur la concurrence. Depuis l’élection de Donald Trump, leurs hackers squattent d’ailleurs la Une des médias. Jouant avec les codes de l’enquête et de l’investigation (discussion entre réalisateurs et producteur à l’appui), Les Nouveaux Mercenaires russes est parti à la rencontre forcément compliquée de ces pirates de la toile. Qui sont-ils? Que font-ils? Quel rapport entretiennent-ils avec le pouvoir ou encore combien rapportent leurs activités? Des mecs qui travaillent à l’usine et que le FBI a tenté de recruter et d’autres qui ont gagné jusqu’à 100.000 dollars par mois racontent. Épaulés par un expert en sécurité informatique, le directeur de la NASA, un ex-agent des services secrets ukrainiens ou encore le conseiller cyber de Poutine… Intéressant malgré son ton parfois pénible.

J.B.

DES HUMANITAIRES SUR LE CHEMIN D’ALLAH

Documentaire de Claire Billet, Constance de Bonnaventure et Olivier Jobard. ***

Mardi 7/5 23.55 Arte

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© DR

Leurs noms: Nadia, Abdurrahman, Aurore. Ils oeuvrent respectivement à Paris, Düsseldorf et Bamako au sein du Secours islamique France (SIF), Ansaar International, et d’une petite structure scolaire coranique. Au-delà de tous les clichés, lieux communs et fantasmes qui d’ordinaire pèsent sur les ONG et associations portées par des musulmans, le documentaire retrace le travail souvent fastidieux mais crucial exercé par ces bénévoles au profit des sans-abris, des victimes du conflit syrien, des oubliés du continent africain. L’humanitaire est un devoir religieux mais avant tout, comme son nom l’indique, humain. Le trio de réalisateurs ne fait pas l’impasse sur une analyse critique et nuancée des différents types d’initiative, de la place de l’islam politique en leur sein et éclaire le spectre de la radicalité. Leur film nourri d’analyses d’experts, ils lèvent un coin de voile sur des organisations caritatives boostées par le zakat, l’aumône annuelle dont s’acquittent un grand nombre de musulmans à hauteur de 2,5% de leurs avoirs bancaires.

N.B.

SWAGGER

Documentaire d’Olivier Babinet. ****

Mardi 7/5 00.20 France 2

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© DR

Sevran et Aulnay-sous-Bois. Seine-Saint-Denis, banlieue parisienne. De cet angle mort de la France, surgit un portrait de groupe bigarré, rêveur, dubitatif, désemparé, explosif, sublimé par un réalisateur déterminé à aller chercher sa matière dans l’intime, et à l’habiller du singulier de ses sujets. Dans son fabuleux essai Politiques de l’inimitié, le politologue et historien camerounais Achille Mbembe écrit: « Autant il n’y a de corps qu’animé et en mouvement -un corps respirant et marchant-, autant il n’y a de corps que le corps qui porte un nom. » Fofana, Mariyama, Salimata, Régis, Naïla, Aaron et les autres, lorsqu’ils se présentent à la caméra, n’ont pas la même assurance. Certains hésitent. Car la République médiatique leur a inoculé le venin de la honte, de l’inadéquation entre leur nom et le pays qu’ils habitent. Tout le travail d’Olivier Babinet consiste à les entendre, les voir, et rendre leur vision du monde, de la France, ainsi que le mouvement qu’ils voudraient y prendre. Rythmé par la bossa nova, le rockabilly, le jazz et quelques vapeurs de rap, le documentaire emprunte au cinéma naturaliste ou symboliste, à la SF, au fantastique, à l’onirisme des séries télé pour conter la dynamique et l’ambition formidables qui prennent corps dans cette jeunesse multiforme, passionnée et passionnante, que le monde a tant à gagner à sortir de l’anonymat.

N.B.

LA COULEUR DE LA JUSTICE

Documentaire de Marjolaine Grappe. ***(*)

Jeudi 9/5 22.35 La Une

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© DR

Le 17 juillet 2014, à Staten Island, l’Afro-Américain Eric Garner, vendeur de cigarettes à la sauvette, traîne dans le quartier où il a l’habitude de faire ses affaires. Il tente de calmer une bagarre, attire l’attention. La police décide de l’appréhender. Malgré le fameux « I can’t breathe » (« Je ne peux pas respirer« ) répété onze fois aux forces de l’ordre, le père de famille meurt étouffé pendant l’arrestation. La vidéo enregistrée par un passant fait le tour du monde. L’histoire grand bruit. D’autant que faute de preuves suffisantes pour mettre le policier blanc responsable de l’interpellation en examen, le jury populaire classe quelques mois plus tard l’affaire sans suite. Quatre ans après les faits, des juristes et des cinéastes new-yorkais ont décidé d’organiser un procès… Le procès qui aurait pu et dû avoir lieu. Un procès qui n’a aucune valeur juridique mais dans lequel les avocats, le juge, les témoins et tous les protagonistes jouent leur propre rôle. Tous à l’exception du flic Daniel Pantaleo qui n’a pas souhaité participé au projet et est finalement le seul à avoir été remplacé par un comédien. Original, le documentaire de Marjolaine Grappe met en lumière l’une de ces tragiques affaires (avec le cas Michael Brown, Akai Gurley, Trayvon Martin…) qui symbolisent la violence policière envers la communauté afro-américaine et renforcent l’idée qu’aux yeux du système judiciaire états-unien, la vie des Noirs ne compte pas ou très peu.

J.B.

BONDING

Une série Netflix créée par Rightor Doyle. Avec Zoe Levin, Brendan Scannell, Micah Stock. **(*)

Disponible sur Netflix.

Nouvelle série estampillée Netflix à investir le champ sexuel pour mieux embrasser le catalogue sans fin des névroses contemporaines, Bonding s’intéresse au quotidien bifide d’une aspirante psychiatre s’improvisant maîtresse BDSM (bondage, discipline et sado-masochisme) afin de financer ses études. Bien trop sage et normatif pour pouvoir prétendre à la dimension subversive dont il se réclame, mais surtout bien trop superficiel pour atteindre à une quelconque vérité humaine, ce très court format (sept épisodes d’une quinzaine de minutes) vaut essentiellement pour la révélation d’une jeune actrice à suivre, qui semble autant tenir de Lili Taylor que de Sasha Grey: Zoe Levin.

N.C.

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