Critique

[à la télé ce soir] Daniel Day-Lewis, l’héritier

© ALAMY STOCK PHOTOS
Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

Une analyse passionnante, depuis les téléfilms en costume de la BBC et la Royal Shakespeare Company jusqu’à Phantom Thread (diffusé en première partie de soirée), sans doute le plus personnel de ses rôles.

Il a passé des mois dans un fauteuil roulant pour préparer My Left Foot et exigeait de se faire hisser par les techniciens sur le plateau. Avant de tourner Le Dernier des Mohicans, il a appris seul dans la forêt à chasser comme un Indien et à manier les armes, n’acceptant de manger que ce qu’il avait lui-même tué. Il s’est même tellement entraîné pour The Boxer qu’il aurait atteint le niveau des dix meilleurs poids moyens britanniques. Pas étonnant qu’il prenne sa retraite à la fin de chaque film et ait besoin de s’isoler pour se retrouver. Daniel Day-Lewis ne provoque pas l’hystérie des foules, il n’a pas son étoile sur Hollywood Boulevard et on le reconnaît à peine dans la rue. C’est pourtant l’un des plus grands comédiens que le 7e art ait jamais enfanté. Le seul au monde couronné de trois Oscars du meilleur acteur. Un record absolu dans l’Histoire du cinéma. Il a aussi été nommé en 2013 parmi les 100 personnes les plus influentes du monde par le Time Magazine et été honoré l’année suivant par la reine Elisabeth pour service rendu aux arts britanniques.

Hasards de calendrier. My Beautiful Laundrette sort à New York le même jour de 1985 que Chambre avec vue. À travers deux personnages radicalement opposés, Daniel Day-Lewis est le nouveau visage d’une Angleterre dont il incarne toutes les facettes: punk homosexuel dans le Londres populaire des années Thatcher et parfait snob de l’Angleterre victorienne. Fils du poète Cecil Day-Lewis et d’une comédienne juive ashkénaze (son grand-père maternel fut l’un des pionniers de l’industrie cinématographique anglaise), Daniel est le pur produit d’une culture d’élite. Le documentaire de Nicolas Maupied et Jeanne Burel tire le portrait d’un homme en conflit avec ses origines, obligé de disparaître pour devenir lui-même. Il raconte un mec à part élevé dans une famille distante et prestigieuse à l’ambiance austère où la tendresse est rare. Un gamin ayant grandi dans un quartier chic de l’élite culturelle anglaise (le Londres bourgeois de la fin des années 50) que ses parents mettent à l’école dans un quartier ouvrier avant de l’envoyer de force dans un pensionnat privé. Une analyse passionnante, depuis les téléfilms en costume de la BBC et la Royal Shakespeare Company jusqu’à Phantom Thread (diffusé en première partie de soirée), sans doute le plus personnel de ses rôles. Un homme inquiet consumé par son art, nourri et dévoré par sa quête de perfection et éternellement hanté par le souvenir d’un mort.

Documentaire de Nicolas Maupied et Jeanne Burel. ****

Dimanche 17/10, 23h00, Arte.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content