Nevermind, 30 ans déjà!?! Annie va bien, sinon?

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Serge Coosemans
Serge Coosemans Chroniqueur

Nevermind, l’album de Nirvana, a 30 ans! Ni ronchon, ni trollesque, plutôt candide même, ce Crash Test S07E04 vous propose en guise de gâteau d’anniversaire la confession de quelqu’un qui a vécu le grunge et n’en a pas retenu grand-chose.

Il paraît que Nevermind, l’album de Nirvana, a eu la semaine dernière (le vendredi 24 septembre 2021, pour être précis) 30 ans tout ronds. Je me souviens très bien de la première fois que j’ai entendu Smells Like Teen Spirit. C’était sur la sono du magasin de disques Caroline Music à Bruxelles, alors encore situé au Passage Saint-Honoré. J’ai d’abord pensé que c’était un nouveau Under 2 Flags, parce que oui, oui, non seulement je connaissais Under 2 Flags mais pire, j’aimais bien Under 2 Flags. Smells Like Teen Spirit me semblait aussi beaucoup s’inspirer des Pixies, mais les Pixies un peu patauds de leurs débuts, pas les Pixies qui venaient de taper Trompe le monde sur la table. Je pense d’ailleurs que c’est pour acheter ce disque-là, que je trouve d’ailleurs toujours aussi incroyable aujourd’hui, que je m’étais rendu chez Caroline Music. Nirvana, je ne savais même pas que ça existait et sur la sono de Caroline Music, j’ai directement trouvé leurs chansons pas mal mais la production affreuse. Normal. J’ai détesté, je déteste encore et je détesterai toujours la patte du producteur Butch Vig, qui est pour moi à la musique rock ce que le front de mer de La Panne est à l’art paysager et au génie architectural. J’ai malgré tout acheté le disque, que j’ai écouté comme beaucoup de monde de façon répétée et à volume élevé mais beaucoup moins longtemps que beaucoup de monde et beaucoup moins souvent que Trompe le monde.

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On était en 1991, aussi, hein. En septembre 1991, Trompe le monde des Pixies sort donc trois jours avant le Nirvana, exactement en même temps que le Screamadelica des Primal Scream. Ce fameux 24 septembre 1991 apparaît également sur le marché Blood Sugar Sex Magik des Red Hot Chili Peppers. Un mois avant, c’était Ten de Pearl Jam et Ritual de Lo Habitual de Jane’s Addiction. Un mois plus tard, ce serait Apocalypse 91 de Public Enemy et encore un peu plus tard, en novembre, Loveless de My Bloody Valentine et Laughing Stock de Talk Talk. 1991, c’est aussi l’année du premier et formidable Mercury Rev, du déterminant Frequencies de L.F.O., du bondissant Sailing the Seas of Cheese de Primus, des gigantesques KLF et The Orb… Et je ne parle là que d’albums qui sont pour la plupart devenus d’énormes classiques. Si on doit commencer à fouiller dans l’underground, la techno, le rap et le métal, je suis toujours en train de name-dropper à Noël… D’autant que je ne vous apprends rien en vous rappelant que 1991 se situe exactement entre 1990 et 1992, des millésimes pas tristes non plus. Bref, je n’ai pas trop écouté Nirvana aussi parce qu’à cette époque, pour peu qu’on avait les goûts larges, on pouvait à peine suivre. Sans doute étais-je aussi déjà un peu trop âgé (21-22 ans) pour me sentir réellement concerné par un album qui parlerait surtout, encore aujourd’hui, aux adolescents.

Moi, ce sont Meat is Murder et The Queen is Dead qui ont impacté mon adolescence. Duran Duran, Frankie Goes To Hollywood, Bauhaus, The Neon Judgement, les Doors et les Beastie Boys, aussi. Nirvana sonnait donc un peu trop métal pour moi, un peu trop « petits blancs hétéros ». Trop carré, pas goth du tout. Pas assez glam. Pas très sexy, non plus. Pas très fou, surtout. OK, Nevermind est une collection de bonnes chansons pour lancer des farandoles dans des fêtes arrosées de bières mais pour moi, le vrai chef d’oeuvre d’héroïnomane futur millionnaire dépressif de la côte Ouest des États-Unis du début des années 1990, c’est indiscutablement Ritual de Lo Habitual de Jane’s Addiction. Celui-là est totalement taré, totalement glam. Du gothique au soleil. Gorgé de sexe et de dope. Totalement décadent. Le genre à lancer des partouzes, pas des farandoles. Totalement écoutable en boucle à la maison, donc. Ainsi qu’au bord des piscines.

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À l’époque, je sortais encore beaucoup ma chemise à carreaux en semaine, dans les soirées organisées à la salle BSG de la VUB. Nirvana, Primus, Sonic Youth et Faith No More y passaient énormément et c’est pourquoi je rattache surtout Nevermind à un album festif. C’est pour moi de la musique principalement fabriquée pour déconner en pogotant, pas trop pour écouter chez soi, justement. Dernièrement, il est d’ailleurs à noter que Dave Grohl en personne a confirmé cette intuition en avouant dans un très cool podcast à Pharell Williams que toutes les rythmiques des chansons sur Nevermind sont en fait recopiées de tubes disco et funk de Chic, Cameo et The Gap Band. Oui, vous lisez bien, le batteur de Nirvana a confirmé que l’un des groupes de rock considéré comme parmi les plus importants de l’histoire, collait en fait juste ses grosses guitares sur des recettes disco-funk éprouvées principalement parce que Grohl, à l’époque, ne savait pas jouer autre chose. Ça me les rend plutôt sympathiques, les Nirvana. Moins que Chic, Cameo et The Gap Band mais quand même… Ce qui ne m’a pas empêché de revendre mon exemplaire de Nevermind quelques semaines plus tard. Et de ne plus du tout m’intéresser à ce groupe. Purée, je n’ai même pas le souvenir d’avoir vraiment écouté les autres albums! Juste celui d’acheter l’Unplugged à Prague, en 1996, parce que les CD n’étaient vraiment pas chers à Prague en 1996 et que j’aimais bien la reprise de Bowie. Je l’aime toujours bien, d’ailleurs, l’Unplugged, surtout parce que les chansons sont bien meilleures sans Butch Vig. Je l’ai un peu plus écouté que Nevermind, donc. Au moment d’écrire ces lignes dans mon bureau, je suis toutefois totalement incapable de dire si j’en possède toujours un exemplaire dans la pièce à côté…

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Et Kurt, là-dedans, hein? Rien de spécial. Il m’est toujours apparu comme un bon gars mais pas quelqu’un de spécialement intéressant. Pas une tête à claques genre Billy Corgan non plus, juste… un type. The KLF, The Orb et Talk Talk étaient intéressants, de nature à vriller les têtes. Kim Gordon, Mike Patton et Chuck D étaient intéressants, plein de choses à dire. Henri Rollins et Nick Cave étaient intéressants (et le sont toujours). Cobain, lui, me semblait bien plus banal et fade (away, huhu). Un moment, j’aimais d’ailleurs bien provoquer les tenants du culte en disant que dans son couple, c’était Courtney Love la personnalité passionnante et que Nirvana était d’ailleurs un groupe drôlement moins bon que Hole. À force de le répéter, j’ai même fini par réellement le penser. Faut dire aussi que très jeune, j’ai interviewé Melissa Auf der Maur, alors très sympathique bassiste de Hole, et que dans un monde parallèle, nous vécûmes ensuite heureux et eurent beaucoup d’overdoses mais ça, c’est une autre histoire, doublée d’une très mauvaise raison pour en faire des caisses sur Hole. J’ai aussi noté au fil des ans que dans mon entourage proche, parmi celles et ceux qui ont connu 1991, les femmes semblent toujours préférer Pearl Jam et les hommes My Bloody Valentine. Nirvana n’est donc pas un groupe qui nous préoccupe, dont on parle, dont on a la nostalgie. En fait quand on évoque 1991 dans mon entourage direct, personne n’en vient même à parler d’entrée de jeu de musique, vu que le principal souvenir culturel de cette année-là, le plus marquant, le plus générationnel, c’est… Twin Peaks. Je pense que la période musicale 1990-1993 n’en est pas moins totalement passionnante, une sorte d’âge d’or jusqu’ici assez négligé dans les bouquins sur la musique mais en réalité aussi artistiquement riche que la fin des années 60 et le début des années 80. Dommage donc qu’une majorité de gens n’en retiennent le plus souvent que Nirvana et Guns & Roses… Ou Twin Peaks, justement.

Pour ma part, je n’ai sinon aucun souvenir du 5 avril 1994 (j’ai même dû googler), date du suicide de Kurt Cobain. Lorsque je me brosse les dents devant le miroir de la salle de bain, il m’arrive par contre encore régulièrement d’imiter l’agent spécial Dale Cooper à la fin de la deuxième saison de Twin Peaks et de demander en grimaçant comment va Annie. Voilà, c’était la confession de quelqu’un qui a vécu le grunge et n’en a pas retenu grand-chose. Le cas d’espèce vous salue bien.

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