Juan Wauters, le troubadour

"À mes yeux, un musicien, c'est un mec comme Paul McCartney. Moi j'exprime juste mes sentiments. Je peux le faire en jouant avec une guitare ou en jonglant avec un ballon." © DR
Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

Entre New York et l’Amérique latine, le coeur de l’Uruguayo-Américain Juan Wauters balance. Portrait itinérant d’un globe-trotteur.

Il a le regard malicieux, les dents du bonheur, un sourire quasi permanent au coin des lèvres et un accent qui sent bon le soleil de son Uruguay natal. Juan Wauters vit depuis des années à New York. Sa musique n’est d’ailleurs pas sans rappeler quelques gloires locales. La carrière solo du Modern Lover Jonathan Richman ou les élans antifolk de Jeffrey Lewis. Mais Juanito n’en a pas pour autant perdu contact avec ses racines. Entièrement chanté en espagnol, le premier album qu’il a sorti cette année, La Onda de Juan Pablo, a été fabriqué lors d’un long périple en Amérique du Sud. « Je jouais dans un groupe avant: The Beets. On venait du Queens. On ne voulait pas devenir des rock stars. On s’amusait, mais on a eu notre petit succès. Quand on s’est séparés, je me suis lancé sous mon propre nom. J’ai sorti deux albums. Les gens aimaient bien. Mais je ne savais pas trop comment me présenter au public. Quand tu es dans un groupe, tu t’y caches. Mais Juan Wauters, Juan Pablo Wauters, c’est moi. Alors, j’ai pris du temps, du recul. Je me suis demandé ce que ça signifiait d’enregistrer un album, de jouer de la musique, d’en sortir, d’en sortir sous son propre nom. Je voulais un truc qui me rende fier et qui parle de ma vie. »

Juan l’avoue sans sourciller: il s’est demandé s’il devait continuer. Non pas à jouer de la guitare, c’était une certitude, mais à nager dans les eaux parfois troubles du music business. Pendant les balbutiements de sa carrière, l’Uruguayen s’est parfois vu comme une marque, comme un produit. En réaction, il a commencé à bosser sur un disque pour le plaisir, rien que pour lui: Introducing Juan Pablo, qu’il a fini par sortir plus tard dans l’année. Il a compris que la musique serait sa vie et qu’il aimait la partager avec le monde. Qu’il avait un public hispanique aussi et qu’il devait enregistrer un album en espagnol. Parti réfléchir La Onda de Juan Pablo à Mexico City, Wauters s’est mis en tête de visiter différents pays et d’enregistrer une chanson dans chacun d’entre eux.

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Juan a entamé son périple en Argentine, à Buenos Aires, la ville la plus au sud de son expédition. Il a enchaîné avec l’Uruguay, le Chili, le Pérou, le Mexique et Porto Rico. « L’idée au départ était de me payer une voiture et de tout faire en bagnole, mais ça m’aurait coûté très cher. Et puis, qu’est-ce que j’aurais fait de la caisse à la fin? Je m’étais renseigné: je ne pouvais pas la vendre dans un autre pays que celui où je l’avais achetée. J’ai donc réservé tous mes tickets d’avion à l’avance. Chaque fois, j’ai visé la capitale. Je suis de New York et à New York, tu rencontres des hommes et des femmes de tous les États-Unis. C’est la même chose dans toutes les villes de ce calibre. Les gens partent à la capitale. C’est comme ça. Et ils y amènent leur culture. »

D’autant plus important que Juan a voulu enregistrer un album participatif, y inviter des musiciens locaux. Dans chaque pays, il a contacté des connaissances, dormi chez l’habitant, cherché à écouter de la musique traditionnelle. « Quand j’ai croisé des gens, des instruments qui collaient bien à une chanson, je leur ai proposé de participer à mon projet. Beaucoup ont dit oui, beaucoup ont dit non. J’allais chez eux ou ils venaient chez moi. J’avais embarqué tout mon équipement dans deux valises. Plutôt lourdes d’ailleurs. Je n’ai pas travaillé avec un ordinateur mais avec un enregistreur à bandes… »

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Sept mois de vadrouille

Wauters n’a pas entamé son voyage à Buenos Aires par hasard. Il avait été engagé pour jouer dans le film Noemí Gold. L’histoire d’une jeune femme qui tombe involontairement enceinte et avec laquelle il noue une relation amoureuse. « Je ne suis pas bien longtemps à l’écran, mais je suis important dans l’intrigue. Ça m’a vraiment amusé. La production m’a trouvé un endroit où loger et j’ai un bon pote à New York d’origine argentine. J’ai fini par enregistrer avec son oncle. »

Après, Juan s’est envolé pour Montevideo, la ville où il a grandi. Il s’y est installé chez des amis. Sur Candombe Instrumental, qui joue avec des percussions traditionnelles afro-uruguayennes, il fait réciter un poème à son père Alberto. Un poème que Juan a écrit, inconsolable après une élimination de l’Uruguay à la Coupe du monde, et qui parle du footballeur Luis Suárez, le mari de sa cousine. « C’est l’histoire d’un enfant qui joue au foot dans la rue. Il rêve qu’il est Luis Suárez et au même moment, Suárez rêve qu’il est cet enfant. Mon père a enregistré depuis New York. En Uruguay, il avait un business dans la construction. Il a décidé de quitter le pays lors de la crise économique de 2000. Il a souffert de tout ça. Il n’en parle pas trop. Mais il s’est mis à travailler dans une usine. Il a été cuistot dans un restaurant. Des boulots d’immigrés. Il n’est jamais retourné en Uruguay. Et pourtant il en parle tout le temps. Il a 70 ans maintenant. On a envoyé la chanson à Luis. Papa l’a fait écouter à ses amis. Elle est vraiment spéciale. »

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À Santiago du Chili, Juan avait découvert le « canto a lo Divino » (le chant au divin) lors de l’un de ses précédents voyages. « C’est une musique à partager. La plupart du temps, elle n’est pas enregistrée. C’est comme du hip-hop, comme une battle avec de vieilles grattes. Elles ont 25 cordes. C’est assez dingue. » Guitarrón chilien, chanson d’ouvriers à la harpe, musiciens mexicains de la place Garibaldi… Enregistré à San Juan, Porto Rico, Guapa a été inspiré par deux jeunes musiciens qui jouaient des boléros dans un restaurant à grillades. « C’était la première fois que je quittais la maison si longtemps. Je suis resté en vadrouille pendant sept mois. Ce n’était pas qu’un voyage autour de la musique, mon but était aussi de rencontrer et de comprendre les gens. J’ai échangé avec des musiciens locaux, des mecs parfois plus âgés qui gardent les traditions en vie. J’ai l’habitude de jouer à Brooklyn avec les cool guys du quartier, mais je ne viens pas de là. Je suis quelqu’un de vrai. Je ne veux pas être une mode. »

Le 07/11 à la Villa Bota (Bruges) et le 08/11 au Witloof Bar (Botanique).

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