LES ÉDITIONS CAPRICCI PUBLIENT UN PASSIONNANT OUVRAGE TRAVERSANT L’OEUVRE DE SAM PECKINPAH.

Sam Peckinpah

OUVRAGE COLLECTIF, ÉDITIONS CAPRICCI, 196 PAGES.

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Cramé à l’âge de 59 ans à peine, Sam Peckinpah (1926-1984) a laissé une filmographie aussi brève que fulgurante: de Dead Companions, en 1961, à Osterman Weekend, 23 ans plus tard, il n’y a que quatorze films, inégaux, mais à l’impact indélébile -demandez à Quentin Tarantino ce qu’il en pense. Et qui, assortis de frasques et excès en tous genres, cumulés à ses démêlés avec les studios comme avec toute forme d’autorité d’ailleurs, ont fait du réalisateur américain une figure de légende.

En prolongement de la rétrospective que lui consacrait le dernier festival de Locarno, les éditions Capricci publient un passionnant ouvrage collectif, embrassant l’ensemble de l’oeuvre, télévisuelle comme cinématographique, de l’auteur de La Horde sauvage et autre Pat Garrett & Billy the Kid. Puisque, comme l’écrit Christoph Huber dans son panorama du dernier volet de sa filmographie, « son image publique a fini par éclipser ses réussites artistiques », le livre combine, somme toute logiquement, approche anecdotique et exégèses. Le mythe, fait de sang, de passion et de fureur, en plus de substances innombrables, se voit ainsi conforté par diverses interviews (celle de Gordon T. Dawson, homme à tout faire sur cinq de ses films, est simplement ahurissante) et autres récits de tournage, succincts mais épiques. Sans surprise, Peckinpah s’avère du genre à marquer quiconque l’approchait, et Dustin Hoffman, son acteur de Straw Dogs, dira de lui: « C’était un gunfighter à une époque où l’on envoyait l’homme sur la lune. » A quoi James Caan, star de The Killer Elite, ajoutera sa note fleurie: « On devrait mettre son foie dans un musée. Quand on sera tous morts, ce putain de foie sera toujours en train de filtrer de l’alcool et d’aspirer de la coke. » Ce qui vous pose assurément un personnage…

Eisenstein imbibé de tequila

L’ouvrage s’emploie aussi à cerner le cinéaste, à l’aide d’analyses successives explorant son oeuvre dans la chronologie, entre chaos, violence, destruction, thématiques récurrentes et autres fulgurances stylistiques -saluant son génie du montage, Emmanuel Burdeau peut écrire que « Peckinpah évoque par moments un descendant américain des formalistes des années 20, une sorte d’Eisenstein imbibé de tequila. » Au-delà, s’esquisse le portrait fascinant de l’homme et de l’artiste, se confondant avec une oeuvre traversée de flux contradictoires, geste crépusculaire portant en elle la promesse de son propre deuil, comme celle d’une certaine idée du cinéma. « Chaque plan de Peckinpah est comme un « ersatz » d’une façon de faire du cinéma qui a disparu pour toujours, mais pour laquelle nous éprouvons tous une très grande nostalgie », relève encore Carlo Chatrian. Et l’on ne saurait mieux dire…

JEAN-FRANÇOIS PLUIJGERS

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