Vitrines blues

© MICHI-HIRO TAMAÏ

Malgré sa riche collection, le Pixel Museum propose une visite très loin de la révolution muséale que vit actuellement le jeu vidéo.

Improvisation théâtrale, esport, formation professionnelle, engagement politique, médiation thérapeutique…, les pratiques du jeu vidéo explosent depuis quelques années. Célébrée par des institutions comme le MoMA de New York, la Triennale de Milan ou le V&A de Londres, cette nouvelle vague inspire un nombre croissant d’événements et d’expositions aux quatre coins du globe. Ce souffle est vital pour la quête de légitimité culturelle du gaming. Mais il n’inspire guère le nouveau Pixel Museum de Bruxelles.

Fruit d’une impressionnante collection privée accumulée pendant 30 ans par Jérôme Hatton, son directeur, le Pixel Museum déballe ses cartons à Tour & Taxis, après avoir quitté Schiltigheim en Alsace. Un conflit avec cette commune et une configuration des lieux non Covid friendly motivent ce déménagement. Temporairement installé à l’hôtel des Douanes, avant une relocalisation dans le sous-sol du Dépôt Royal de Tour & Taxis, le musée retrace surtout l’histoire des consoles portables et de salon. De quoi épauler les cours de développement de jeu vidéo de la Ludus Académie toute proche (également chapeautée par le fondateur du musée).

Dix pour cent de la collection de Jérôme Hatton est ici exposée. Mais l’excès de consoles, cartouches, accessoires et figurines demeure et nuit à la lisibilité du parcours, principalement jalonné de vitrines verticales surchargées. Sans réelle scénographie, ces 1 000 m2 aux airs de magasin rétrogaming réjouiront les collectionneurs. Difficile toutefois pour les néophytes d’identifier les points de bascule de l’histoire du jeu vidéo. Quelle conséquence du crash de l’industrie en 1983? Quel jeu a fait basculer l’industrie au rang de loisir de masse? Quelle histoire du développement en Belgique? Quid de la récente révolution indé?

Human After All

Taisant les formidables aventures humaines drainées par le médium (celles des créateurs de Doom, du passage à l’Ouest du développeur de Tetris…), le Pixel Museum ne s’attarde que trop peu sur l’importance de la micro-informatique. Un silence marquant d’autant que le Computerspielemuseum de Berlin soulignait une foule d’anecdotes essentielles à ce sujet, parmi lesquelles un volet online se penchant, entre autres, sur des manifestions contre Jean-Marie Le Pen sur Second Life… Il y a huit ans, l’exposition Game Story mettait en avant les lignes fuyantes des estampes d’Hiroshige pour expliquer la 3D isométrique de Zaxxon (Sega) au Grand Palais de Paris. Le Pixel Museum omet de signaler que le jeu vidéo s’est nourri de formes artistiques extérieures pour grandir. Réitérant laborieusement un concept de visite historique se répétant depuis 16 ans ( Game On, MuseoGames, Video Game Story…), l’initiative vogue à mille lieues du renouveau muséal du jeu vidéo.

L’Art dans le jeu vidéo – l’inspiration française à Paris en 2016 et Design/ Play/ Disrupt à Londres en 2019 plongeaient ainsi, dans les coulisses de sa création. Cette année, Video Games & Open World à Cleveland (USA) et Playtime 20.20 à Bruges exploraient également sa relation à l’art contemporain. à Bruxelles l’an dernier, Games and Politics détaillait en outre son engagement social. Autant de pistes d’inspiration qui pourraient changer un lieu soulignant que  » le 10 eme art méritait bien un musée en Belgique » .

Pixel Museum

Tour & Taxis (hôtel des Douanes), rue Picard 1 à 1000 Bruxelles. Entrée: 9 à 12 euros. www.pixel-museum.brussels

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