Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

La télévision est le chewing-gum de l’oeil, dit un proverbe américain. Certains cependant ont depuis quelques années déjà arrêté de chiquer des paupières et de ruminer devant les chaînes du câble. La télé pour eux, c’est un envahisseur. Le royaume du vide. Une perte de fric et de temps. Ils lui préfèrent la lecture, la musique, le spectacle vivant… Ou ont tout simplement décidé de la consommer autrement. De ne pas la laisser empiéter sur leur vie et l’éducation de leurs enfants.

Pendant trois ans, le sociologue et professeur d’université Bertrand Bergier a enquêté sur ces gens sans télé qui ne sont pas nécessairement enseignants, bobos ou cadres supérieurs. En 2010, il a même sorti un livre, Pas Très Cathodique, dans lequel il leur tire le portrait. Le profil le plus intéressant est celui de ceux qu’il appelle les natifs du numérique. Ils ont entre 25 et 35 ans. Sont généralement de gros consommateurs de loisirs et de culture et possèdent un agenda du genre saturé…

De la frime? A voir. Si ces « jeunes » vivent sans télé, ils ne vivent guère sans écran. « Je comprends les pensionnés, explique l’un de ces résistants. Ils aiment avoir des gens qui bougent dans leur salon et leur souhaitent un bon appétit à midi. La télé prend de la place. Je sais que si je l’avais, je la regarderais. C’est une solution de facilité. Que ce soit pour occuper les gosses ou se changer les idées en rentrant crevé de sa journée. Mais c’est à ce moment-là qu’on s’affale dans son divan devant des conneries.  »

Alors, cette télé, ils évitent tout simplement de la consommer sous forme de flux. Aujourd’hui, les solutions alternatives ne manquent pas. Pour les films et les séries, ils louent des DVD (quelques vidéos clubs survivent), ou du moins se les échangent (c’est la crise non?) quand ils ne téléchargent pas à tour de bras sur Internet. « De toute façon, il m’est impossible d’attendre une semaine entre deux épisodes et, pire, de devoir patienter des mois pour terminer une saison« , commente l’un d’entre eux. « Je préfère claquer mon pognon dans un abonnement de cinéma« , enchaîne un autre.

Pour le sport, ces rebelles ont pris l’habitude de retourner au café du coin (c’est plus sympa de surcroît) ou sont devenus des habitués des sites de streaming comme sports-livez.com. « Faut parfois se battre pendant de longues minutes pour se dépêtrer des publicités mais en cherchant bien on y trouve gratuitement tout ce qu’on veut. » Des rencontres de foot qui ne sont diffusées nulle part ailleurs chez nous ou alors sur des chaînes payantes. Des matchs de tennis dont les canaux traditionnels n’ont souvent même pas acquis les droits.

Depuis quelques années maintenant, les chaînes mettent de toute façon une partie plus ou moins importante de leur contenu en ligne. Le journal, la météo, des documentaires, des événements sportifs… Des séries et des longs métrages aussi, parfois. Arte, très actif dans ce domaine, va jusqu’à proposer certains programmes uniquement sur le Web.

« Je me souviens d’une copine de classe, dit une jeune trentenaire. Ses parents étaient des intellos de gauche et n’avaient pas la télé à la maison. Elle était presque un phénomène de foire. Ce serait moins le cas aujourd’hui. » Quoique…

JULIEN BROQUET

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