Louis Danvers
Louis Danvers Journaliste cinéma

LE MYTHE FAUSTIEN A FAIT SON CHEMIN AU CINÉMA, COMME IL L’AVAIT FAIT DANS LA LITTÉRATURE, LA MUSIQUE ET D’AUTRES FORMES D’ART.

Le mythe faustien existait dans la culture populaire avant même que Goethe n’écrive son remarquable et poétique ouvrage (en deux fois: il y a un Faust I publié en 1808 et un Faust II paru 24 ans plus tard, après la mort de l’auteur). Un texte anonyme du milieu du XVIe siècle introduisit le personnage du savant faisant un pacte avec le Diable. La littérature (avec notamment Thomas Mann et Pouchkine, mais aussi Tourgueniev, Boulgakov, Giono et le Belge Michel de Ghelderode), la musique (avec entre autres un opéra de Berlioz, La Damnation de Faust, que le Vlaams Opera présenta l’an dernier dans une mise en scène de Terry Gilliam), la peinture et la bande dessinée nous ont offert des variations inspirées. Le cinéma ne pouvait être en reste, le grand Friedrich Wilhelm Murnau signant surtout avec Faust, une légende allemande (1926) un film extraordinaire. Ce chef-d’oeuvre « muet » livre au regard une composition esthétique d’une profonde et troublante beauté, jouant du clair-obscur avec un art consommé pour créer une atmosphère onirique captivante: 87 ans avant Sokurov, Murnau percevait que l’enjeu du récit fixé par Goethe relève autant si pas plus de la poétique, de la forme, que du propos philosophique décliné chez l’un comme chez l’autre en clés et en symboles mais plus encore en traits de lumière et en fulgurances de style.

Déclinaisons faustiennes

Le précurseur français Georges Méliès, justement célébré dans l’attachant Hugo Cabret de Scorsese, avait été le premier à filmer Méphistophélès dans deux courts films résolument ludiques de 1897 et 1903. Le Diable y étant une figure presque clownesque, à des lieues de la séduction vénéneuse des méphistos de Sokurov et Murnau. Un autre avatar faustien notable est la version animée, surréaliste, qu’en donna le génial Jan Svankmajer en 1994, sous le titre de La Leçon Faust. L’invention formelle étant ici encore au rendez-vous d’une oeuvre situant à Prague le cauchemar éveillé d’un passant découvrant un univers inquiétant où interprètes humains et marionnettes géantes entament une inoubliable danse de mort…

Le mythe librement transposé a encore nourri des films aussi marquants que La Beauté du Diable (de René Clair, avec Michel Simon formidable en Méphistophélès), Phantom Of The Paradise (de Brian De Palma, imaginant le pacte diabolique dans le milieu de la pop music) et plus récemment The Imaginarium Of Doctor Parnassus de Terry Gilliam, décidément très branché sur le sujet et qui met en scène un savant saltimbanque, immortel depuis mille ans suite à un deal avec le Malin, lequel aura le droit de prendre sa fille à l’heure de ses 16 ans… Une preuve encore de l’extraordinaire pouvoir de fascination du conte populaire porté par le souffle de Goethe vers une peu banale postérité.

LOUIS DANVERS

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