Sous la canopée

© AORISTE CÉCILE BEAU / PHOTO: GILLES RIBERO

À l’Iselp, douze artistes questionnent le monde végétal. Une exposition pour ne plus jamais aborder plantes et paysages de la même façon.

Dans une note liminaire, Laurent Courtens, commissaire à qui l’on doit A Forest, plante remarquablement le décor soulignant combien  » notre perception du monde végétal est aujourd’hui bouleversée« . À l’heure où la catastrophe écologique se fait de plus en plus imminente (le scientifique Dennis Meadows rappelait il y a peu dans les pages de Libération qu’au vu des données actuelles le scénario de l’effondrement des ressources l’emportait sur la thèse d’un hypothétique équilibre), plus personne n’a envie de dire « jusqu’ici tout va bien ». Face à cette réalité, les artistes ne se croisent pas les bras. Pour preuve, le mot « anthropocène » a colonisé l’art contemporain, du nom de cette période effrayante de l’histoire du monde qui voit l’homme aux commandes du destin planétaire à force de convoiter les énergies fossiles. Aujourd’hui, tout créateur qui se respecte y va de sa petite contribution à la prise de conscience. Parfois pour le meilleur, souvent pour le pire. Bonne nouvelle: l’exposition de l’Iselp évite la sortie de route par le biais d’une démarche rectiligne refusant l’opportunisme. Courtens de préciser à propos de notre relation à cette altérité: « Ce dont témoigne l’exposition, c’est d’un moment de basculement, pétri de contradictions. Plutôt qu’une exposition à thèse ou à thème, A Forest est un paysage investi par les interactions parfois inattendues des êtres qui le peuplent. » Bien vu: la proposition donne l’impression de dessiner un écosystème composite dans lequel le visiteur explore un sentiment étrange d’une inclusion à lui-même inconnue.

À nos basques

Dès l’entrée, c’est le travail de Yogan Muller qui pose les premiers jalons du propos. À partir de photographies, cartes et tracés GPS, ce doctorant en art et sciences de l’art invite à réfléchir sur un paysage déroutant qui condense les enjeux de nature et de culture à travers l’examen d’un lieu précis: la Forêt domaniale du Flamand, au nord des Landes, qui s’est vu destinée, par une décision de l’Office national des Forêts, à être conservée dans un  » degré de naturalité élevé« . Cette promesse laisse rêveur lorsque l’on sait que ce territoire tire son nom de la présence, au XVIIe siècle, de Flamands réputés pour leur habilité en matière de drainage. Est-il réaliste d’envisager la nature et l’homme juxtaposés? Non. Le rapport semble bien plus profond, il se noue à un autre niveau. Lise Duclaux en témoigne, elle aussi, à travers des dessins qui mettent au jour les organisations des labyrinthes racinaires enfouis dans le sol. Cette plasticienne française installée à Bruxelles signe également de passionnantes performances au cours desquelles elle démontre combien le végétal est intimement lié à notre être au monde. Elle évoque le cas du Grand plantain, une plante dont le nom anglais a gardé la trace de son histoire liée aux semelles des colons de l’Amérique: « White man’s foot », ce « Pas de l’homme blanc » dévastateur. Hélas, puisqu’il n’est pas possible de tout énumérer, on termine en pointant Aoriste de Cécile Beau, une roche basaltique posée sur le sol et « soulevée » par un dispositif sonore mixant la respiration d’une panthère et les vibrations d’un séisme. Intimidant, ce grondement tellurique évoque une palpitation insoupçonnée du vivant.

A Forest

Exposition collective, Iselp, 31, bd de Waterloo, à 1000 Bruxelles. Jusqu’au 15/12.

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www.iselp.be

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