Depuis Bruxelles, un Anglais, un Français et un Suédois visent la mélodie instantanée, en 3 minutes top chrono. La preuve avec Something You Might Like, second album pop décomplexé.

Paris, fin août. Dans une cour, à l’arrière de l’Olympia, une terrasse un peu chic. A l’intérieur, réfugié dans un petit salon, Puggy termine une première semaine de promo française. Comme en Belgique, l’album Something You Might Like vient de sortir, directement tête de gondole dans les magasins comme la Fnac. Ces derniers jours, le groupe a donc enchaîné les interviews, enregistré 2 sessions pour la radio Europe 1. Leur maison de disques semble avoir décidé de mettre le paquet. Et comme il s’agit en l’occurrence d’Universal – via Casablanca, l’étiquette relancée par le sous-label Mercury… Même les Inrocks ont suivi: l’hebdo culturel a placé un titre du groupe dans sa compil d’été et a apposé son sticker sur la pochette de l’album: « Ecouté et approuvé ».

Ce n’est pas le moins étonnant dans le parcours de Puggy. Avec sa pop grand public, on n’imaginait pas forcément le groupe s’attirer les faveurs du magazine bobo branchouille. Y aurait-il donc un malentendu sur Puggy? Quelques instants auparavant, Nicolas Renard, manager-booker belge du groupe, expliquait encore: « Pour que le single puisse passer à la radio, on nous a demandé de retirer les cuivres à la fin de When You Know . Trop bruyant… »« Je pense qu’on est plus alternatif qu’on ne le croit », insiste le chanteur Matthew Irons. C’est tout le débat.

Brussels blues

Quelques jours plus tôt, à Bruxelles. Première rencontre avec le trio. Il y a donc le chanteur-guitariste-pianiste Matthew Irons, Anglais né à Louvain, en 1980. A sa gauche, Romain Descampe, à la basse, né à Paris en 84, mais débarqué à l’âge de 11 ans en Belgique. A sa droite, enfin, Egil Franzen, le batteur suédois. « Je viens d’Hellvi, une petite ville paumée dans les bois, sur Gotland, une île entre la Suède et l’Estonie. Je suis arrivé ici en 1990, à l’âge de 7 ans. Mon père est venu travailler en Belgique pour les Jeunesses musicales. »

Trois nationalités différentes qui se retrouvent dans un pays confetti, mais carrefour de l’Europe, cela a du sens. Après les rockeurs du Fort Jaco, voici donc la pop de la place du Luxembourg? Ce serait facile si Puggy ne s’était pas plutôt formé d’abord dans le circuit des bars blues bruxellois. Romain: « C’est une scène qui a un peu disparu aujourd’hui. Mais à une époque, il y avait moyen de jouer quasi du lundi au dimanche. Des endroits comme le Loplop, le Bison, le Blues Corner, le Monkey Business… On nous demande souvent pourquoi on privilégie la guitare acoustique. Cela vient de là. Dans ce genre d’endroits, vous ne pouviez pas jouer trop fort. Du coup, on arrivait avec la gratte sèche, et cela passait… même si derrière Egil tapait comme une mule sur sa batterie… (rires)  »

Au départ, les gaillards ont aussi traîné du côté du Jazz Studio, la fameuse école anversoise. Matthew: « Mais on n’était pas vraiment des élèves modèles. Ce qui nous intéressait surtout, c’était les cours d’ensemble.  » Au passage, chacun joue aussi avec plusieurs groupes. Jusqu’en 2004, où le trio décide de se concentrer sur Puggy. Matthew: « C’est grâce à Romain. C’est lui qui a poussé dans cette direction. Sinon on était parti comme pas mal de musiciens à Bruxelles, qui se retrouvent à multiplier les projets, histoire simplement de faire rentrer de l’argent, mais dont aucun n’aboutit jamais vraiment très loin. « 

La filière anglaise

Le trio se décide alors à enregistrer une première démo. Ils se rendent dans le studio montois que les frères Njava, la fratrie malgache de Suarez, viennent de monter. « Un ancien bordel, rigole Romain. Quand ils ont acheté la maison, il n’y avait qu’une salle de bain et une pièce principale aux murs roses, avec un grand lit au milieu… «  Leurs premières chansons en poche, Puggy démarche alors pendant près d’un an les maisons de disques. Sans succès. Finalement, Serge Sabahi, un Franco-Iranien qui a ses contacts à Londres, les repère lors d’un gig au Bank et leur propose de tenter le coup outre-Manche. Matthew: « Un pote de Romain étudiait à ce moment-là à Reading et nous a hébergés pendant 4 mois dans une petite maison pour students. On payait en bières, des cartons entiers de Cara Pils, qui ont finalement été éclusées en 2 semaines. En plein hiver, on dormait dans le grenier, poussiéreux et pas isolé, calfeutrés dans nos sacs de couchage, un bonnet sur la tête. « 

C’est le plan galère, à la dure. A l’anglaise, où les conditions pour les groupes sont rarement idéales. « Vous vous retrouvez dans une loge minuscule, à partager avec 5 autres bands. Dès que vous montez sur scène, votre temps de jeu commence, et après 35 minutes, fini ou pas, on coupe la façade. Du coup, vous avez intérêt à assurer, et à faire la différence rapidement. «  Lors d’un de ces gigs-commando, Puggy se fait repérer par Mean Fiddler, qui s’occupe alors des festivals de Leeds et Reading. Romain: « Tout à coup, on s’est retrouvés à jouer à Reading. C’était insensé. Dans la loge d’à-côté, il y avait les Arctic Monkeys, qui commençaient à être connus. « 

A bien y regarder, Puggy semble abonné à ce genre de rebondissements. Comme quand, rentrés en Belgique, ils dégotent un deal avec un studio de post-production prêt à se transformer en label pour sortir leur premier album, et finissent par se retrouver à l’affiche de Couleur Café. Cette année-là, un incendie dans un des hangars de Tours et Taxi interrompt le festival pendant quelques heures. En attendant que le site réouvre, la chaîne musicale présente sur place tient l’antenne en diffusant les images des premiers concerts, dont celui de Puggy. Un passage en boucle qui intrigue le groupe Incubus, dont la tournée passe par Bruxelles, et qui cherche justement une première partie. Banco! Voilà Puggy embarqué sur les dates européennes du groupe américain, avant de se retrouver plus tard sur celles de Smashing Pumpkins. De fil en aiguille, de Bourges (où ils rencontrent leur éditeur) au Bataclan (où Pascal Nègre, boss d’Universal, débarque dans leurs loges pour les signer), voilà donc Puggy en train de voir son parcours atypique récompensé…

De 7 à 77 ans

Vu d’ici, on n’est pas forcément habitué à un album comme Something You Might Like. En clair, exactement pop. Matthew: « Quand on faisait le tour des labels, on nous expliquait souvent qu’on ne savait pas trop où nous mettre, vers quel public nous diriger. Mais il suffit de venir à nos concerts: vous y croisez aussi bien des gamines de 17 ans que des quinquas fans de Led Zep! » C’est qu’il y a eu du chemin depuis les bars blues de la capitale. Aujourd’hui, Puggy s’en tient à l’instantanéité décomplexée de chansons de 3 minutes – « on a une capacité d’attention limitée « -, dans lesquelles on croise aussi bien les Beatles que Queen, la Motown que Ben Bolds Five ou Keane… Alors oui, une chanson comme How I Needed You peut paraître bien délicate, limite cheesy avec ses arpèges de feux de camp, sauf qu’en quelques minutes, elle arrive à prendre plusieurs tournants mélodiques épatants.

La conversation se poursuit donc à Paris. Car Matthew Irons est perplexe: au final, a-t-on aimé le disque? Le chanteur continue du coup de préciser la démarche: « La guitare acoustique fait beaucoup. Cela rend le propos plus accessible, plus grand public. Mais ce qui compte avant tout, ce sont les chansons. Cela ne nous intéresse pas vraiment de jouer 3 accords, puis un 4e un peu bizarre pour que cela sonne plus « malin ». J’ai joué dans des groupes où l’on s’amusait à casser les rythmes, à ajouter des dissonances… J’ai adoré le faire et j’aime encore énormément de groupes qui jouent là-dessus. Mais au bout de la journée, j’en reviens toujours aux chansons. On vient de cette école-là, l’option mélodique, presque scoute: le morceau doit pouvoir être joué sur une bête guitare et sonner. «  Il insiste, se lance dans une longue tirade, réexplique le parcours du groupe, ses exigences, ses ambitions, ses obsessions…

En repartant, on croise encore Romain qui explique: « En Belgique, les journalistes nous ont vite limités à un rôle de groupe à midinettes, genre les ‘nouveaux Tellers’. Du coup, Matthew a l’impression qu’il doit recadrer en permanence. » De fait, quelques minutes auparavant, le chanteur expliquait encore, tenace: « Il ne faut pas se tromper. Au premier abord, cela peut sonner comme de la pop peut-être très lisse, gentillette, sucrée. Pourtant, si vous faites attention, que vous écoutez les textes, il y a énormément d’ironie, de second degré…  » Avant de reposer la question: « Mais tu as aimé l’album? »  » Here is something you might like« , chante-t-il notamment sur le titre qui donne son nom à l’album. Cela se pourrait bien, en effet…

Puggy, Something You Might Like, Universal.

En concert, e.a., le 11/09 à l’ Autumn Rock (Braine l’Alleud), le 25 au Jivazyk (Nil-Saint-Vincent), le 08/10 à la Caserne Fonck (Liège), le 15 à la Maison de la culture de Namur, le 28 au Waux-Hall (Mons), le 29 au Coliseum (Charleroi), le 09/02 à l’ AB (Bruxelles)…

Rencontre Laurent Hoebrechts

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