Pour le plaisir

Soul incrustée de pop virale, voix charnelle empruntée à l’Amérique sixties, testostérone des violons: la Bonne journée de Jonathan Jeremiah fait du bien.

 » Album que j’ai trouvé fort sage« , nous dit un collègue, un peu comme si on lui proposait de lécher un vieux Boney M jusqu’à la couenne ou de programmer plusieurs nuits de suite l’intégrale de Toto à Guantanamo. Ah mais on peut comprendre les éventuels travers de la proposition, comme l’intro de guitare flamenco pour touristes avinés de Foot Track Magic et, de manière plus générale, une sonorité pompée sur les sixties/seventies soul, lourdée d’orchestrations qui ne reculent devant aucun violon carnivore. Voire, plus bizarrement, qui évoquent le velours de Bill Withers mais aussi Richie Havens et John Martyn, poussant le bouchon via des choeurs d’enfants réanimés de sessions floydiennes de The Wall. Avec quelques références plus proches d’un rhythm’n’blues blanc anglais, comme ce Shimmerlove évoquant fortement le Paul Weller de la période Style Council. Mais -et c’est là la bonne nouvelle- en dépit de toutes les références parfois mimétiques, Jonathan Jeremiah réussit pour son quatrième album un tour de force sentimental dans une époque largement retranchée derrière le machisme des certitudes.

Pour le plaisir

Soirées dansantes

Rien de cela dans ces onze chansons qui, non seulement, vont chercher l’inspiration dans l’outre-Atlantique d’il y a quelques décennies mais s’inspirent aussi librement des orchestrations pratiquées sur les anciens albums de Serge Gainsbourg, période Jean-Claude Vannier. Une façon d’évoquer les BO de films par la chanson. C’est rien de l’écrire, mais les arrangements de l’Heritage Orchestra sur Good Day, 19 cordes et cuivres, dessinent un écrin qui dépasse la simple boîte à bijoux. Une musique et des morceaux, un respect envers le public et le travail de fourmi sur l’idée même d’harmonie suprême. Si Jeremiah cite volontiers Carole King ou même la géniale Minnie Riperton, c’est moins par fétichisme que par parenté fantasmée sur des chansons et des moments iconiques. D’une époque où la vulnérabilité d’une musique n’en faisait pas forcément la ringardise. L’album, plus mélancolique que sage, est une thérapie qui se nourrit du passé pour combattre l’anxiogène contemporain: une constante tendant à prouver que le renouvellement des genres en 2018 reste davantage du domaine de l’utopie que de la pratique avérée. Pour aimer JJ, il faut baisser la garde et ne pas craindre l’émotion articulée, d’ailleurs bouclée en analogique très seventies. À l’unisson de No-One, ballade qui, sur des accords mineurs au piano et les éraillements du chanteur, a tout de l’invincible tube radiophonique international. Et accessoirement, d’un mortel slow pour, hum, soirées dansantes.

Jonathan Jeremiah

« Good Day »

Distribué par Pias.

8

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