DANS LE COURANT DES ANNÉES 70, LE BRITANNIQUE NICOLAS ROEG SIGNAIT UNE POIGNÉE DE FILMS INCLASSABLES. TROIS D’ENTRE EUX SONT RÉUNIS DANS UN COFFRET.

Coffret Nicolas Roeg

NE VOUS RETOURNEZ PAS. AVEC JULIE CHRISTIE ET DONALD SUTHERLAND. 1973. 1 H 50.

L’HOMME QUI VENAIT D’AILLEURS. AVEC DAVID BOWIE, RIP TORN. 1976. 2 H 19.

ENQUÊTE SUR UNE PASSION. AVEC ART GARFUNKEL, THERESA RUSSELL. 1980. 2 H 02. ED. POTEMKINE. DIST: TWIN PICS.

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Chef-opérateur réputé -il avait notamment collaboré avec Truffaut pour Fahrenheit 451 et Schlesinger pour Far from the Madding Crowd-, Nicolas Roeg entamait, avec les années 70, un fulgurant parcours de réalisateur, qui allait faire de lui, en une décennie et une poignée de films résolument originaux, l’une des figures majeures du cinéma de son temps. Les éditions Potemkine ont l’excellente idée de réunir trois de ces titres, et autant de curiosités, dans un coffret dédié à l’auteur britannique, dont la filmographie perdra ensuite en intérêt, même s’il continuera à faire l’objet d’un culte fervent.

Mort à Venise

Chef-d’oeuvre absolu, Don’t Look Now (Ne vous retournez pas, 1973) reste, à plus de 40 ans de distance, une expérience de cinéma peu banale. Roeg y met en scène un couple anglais, Laura et John Baxter (Julie Christie et Donald Sutherland), qui, ayant perdu leur fillette de cinq ans dans des circonstances dramatiques -elle s’est noyée dans l’étang jouxtant la maison familiale-, se rend à Venise où le mari doit superviser la restauration d’une église. Baignant dans une ambiance mortifère, la cité des Doges produit sur eux un trouble profond, encore accentué lorsqu’une médium se manifeste auprès de Laura, évoquant leur fille, mais aussi une menace imminente pesant sur John. Un climat angoissant préside à ce film fantastique, dissection d’un couple où Roeg mélange les genres avec bonheur, tout en malmenant la chronologie pour privilégier les correspondances esthétiques et sensorielles, entraînant protagonistes et spectateurs dans un voyage mental aussi fascinant qu’inquiétant. Du grand art.

Histoire d’un extraterrestre débarqué au Nouveau-Mexique afin de sauver sa planète et sa famille de la sécheresse et bientôt confronté à la mesquinerie des hommes, L’Homme qui venait d’ailleurs (1976) n’a guère à lui envier en qualité. Habité par la présence énigmatique de David Bowie, ce conte philosophique fantastique inscrit à fleur de désenchantement dispense un parfum aussi étrange que visionnaire, dont l’on retrouvera l’écho jusque dans le Under the Skin de Jonathan Glazer. S’il apparaît quelque peu en retrait, Bad Timing (Enquête sur une passion) n’en apporte pas moins une nouvelle démonstration du talent singulier de Roeg. Le réalisateur y déconstruit à nouveau la chronologie, pour passer au scalpel la passion amoureuse emportant une jeune femme (Theresa Russell) et son amant psychanalyste (Art Garfunkel) au bout de l’amertume. Si le regard et le sens du montage sont toujours aussi aiguisés, avec encore une pointe de cet érotisme léché qui teintait Don’t Look Now, on est toutefois plus près ici de la formule que de la fulgurance d’alors, le film apparaissant comme le chant du cygne de son auteur. Analyses fouillées en bonus.

JEAN-FRANÇOIS PLUIJGERS

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