Dans le vieux pays rôde toujours le blues. Plutôt une affaire de malandrins que de grand public avec l’une ou l’autre figure qui surnage – Roland et Marc Lelangue – et un Ostendais audacieux, Goudi.

Le succès du blues est toujours pendulaire, dépend de la mode, qui revient souvent grâce à des blancs: Johnny Winter produisant un album pour Muddy Waters, l’explosion de Stevie Ray Vaughan (en guitar hero), l’album unplugged de Clapton. L’industrie choisit de mettre une icône en avant et pour l’instant, elle n’est pas là. Quand je lisais la bio de tous les bluesmen américains dont j’aime la musique, ce n’était pas facile pour eux, pourquoi le serait-ce pour nous? C’est une musique artisanale: on pourrait faire un parallèle avec la musique manouche qui est montée avec l’ascenseur Sanseverino, mais il y a des roulottes entières de gens pas connus du grand public qui font cette musique-là depuis la nuit des temps. Dans le blues également. » Marc Lelangue, 48 ans, a un quart de siècle de blues dans les gencives et, justement, sa voix a les dents du fond qui baignent dans le Mississippi. Larynx nasillard accouchant de moult rêves nègres, ce vrai Belge -francophone avec des roots flamandes – ne se lasse pas des histoires sans fin d’un style engrossé de tous les chagrins, mais pas seulement.  » Si tu ne comprends pas les paroles, tu rates la moitié de l’histoire, la plupart des gens écoutent cette musique à cause de la pulsation musicale, moi, je suis fasciné par les paroles… J’ai mis des années à comprendre le sens de certaines phrases: « I’m a mannish boy  » de Muddy Waters, c’est parce que les blancs appelaient les noirs « boy », qu’ils aient 15 ou 70 ans. » Cet amour pour un genre vieux d’un siècle est aussi incarné par Roland (Van Campenhout), sans doute le bluesman belge le plus connu. La soixantaine portée sur une tronche – pas d’autre mot – de Wisigoth, ce Flamand paillard a joué avec Rory Gallagher (guitar hero irlandais mort en 1995), Arno (dans l’épisode Charles & les Lulus) et beaucoup avec ses propres références, en groupe ou en solo, de Gand à Singapour. Sur le nouveau double album, une compilation sortie chez EMI (Parcours), on retrouve toutes les manières rolandiennes de faire cuire le blues: saignant ou juste à point, raclé en acoustique ou en canapé de cordes. Quid des djeunes? On peut écouter le premier album éponyme de Goudi (chez Green L.F. Ant) alias Pierre Goudesone, un Ostendais dont le style, incontestablement influencé par des mimétismes bluesy, s’en détache, décolle et fait brûler les calories du spleen dans une toute autre cuisine. Au-delà des clubs pour irréductibles – le Crossroads à Anvers et le Banana Peel à Ruiselede -, voilà déjà de quoi se rincer le gosier au blues belge (mutant) en 2010. On y reviendra.

Ph.C.

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