Monsieur Minus

Unique héritier de la première fortune de France, Bertrand Le Marec avait prévenu: tout ça ne l’intéressait pas, mais alors pas du tout. Il ne fallait pas compter sur lui. Préférant battre la campagne, une trentaine de kilomètres par jour, Bertrand s’abandonne dans l’exercice de la marche, ses circuits de grande randonnée, ses états seconds. Le conseil d’administration a juste exigé qu’il se fasse implanter une micropuce, « par mesure de précaution, n’est-ce pas, pour savoir où il était, on ne sait jamais ». Il avait pris rendez-vous dans une clinique belge sous le nom de Bertrand Minus et le tour était joué. Ancien infirmier militaire fraîchement sorti de prison, Martial, chauffeur-accompagnateur, se charge de la logistique et des questions d’hébergement. Ces deux-là se respectent, vont d’hôtel en maison d’hôtes à la vitesse d’un homme à pied. Mais voilà que les esprits s’échauffent: les militants de la décroissance entrent en action et Bertrand Le Marec se voit rattrapé par son destin. Croquant des pans de ciel où il fait bon flâner, Laurent Graff ravive des sentiments de traverse. La complicité de son duo rappelle celle du Tandem Rochefort/Jugnot chez Patrice Leconte, voire la plongée dans un décor de Western de poche à la Manuel Poirier. On s’y sent bien, à la fraîche: « Il y avait moins à voir, plus à aimer ». On y goûte les trouvailles, un allant, une verdeur, cette dégaine à vous couper la chique. Et quand les événements s’accélèrent lors d’un montage en parallèle, le changement de braquet dénote la maîtrise technique. Dans ce texte vagabond, le lecteur buissonnier trouvera chaussure à son pied.

De Laurent Graff, éditions Le Dilettante, 160 pages.

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