Daniel hélin et Claudine muno sont 2 indépendants de la chanson. Le premier, caustique et loghorréique, a enrigistré son album francophone, mallacoota, en australie, la seconde, timide et intismiste, sort son second disque – trilingue-, noctambul, avec the luna boots. rencontre croisée du quatrieème type.

Daniel: Moi, j’estime faire de la musique comme une expérience, rien n’est défini autrement qu’une rencontre entre écrit, son et public. Dans le disque fait en Australie chez Padma Newsome ( l’arrangeur de The National, ndlr), on a enregistré 17 instruments à 2, plus les oiseaux qu’on entendait à l’extérieur.

Claudine: Dans Blackbird, on a utilisé une boîte qui fait les oiseaux, c’est le même principe que les boîtes qui renversent et qui font le meuh de la vache ( sourire).

D: J’ai écouté ton disque: si tu devais faire la révolution, casser les codes, en te disant que tu te fous des ventes et de tout cela, cela donnerait quoi?

C: J’aurais fait ce disque-là, acoustique. Quand je prends une guitare électrique en mains, mon désir ne dépasse pas les 5 minutes!

D: Je me laisse porter par les autres qui projettent sur moi des idées… Je n’ai pas de fil conducteur, si ce n’est le texte. Je pourrais avoir envie de faire un album comme le tien, avec un orchestre symphonique ou un électronicien japonais. Ma seule fidélité est liée aux textes, la forme peut être bouleversée. Je me suis déjà dit que je ferais volontiers un album instrumental mais je suis trop bavard.

Une chanson porte-t-elle -forcément- des traces autobiographiques?

D: J’ai envie que les chansons existent par elles-mêmes. Des gens sont venus vers moi en disant:  » C’est ma vie!« . On s’embrasse, on chiale un bon coup et puis chacun retourne chez soi. Je ne veux pas partager davantage, je ne veux pas que les gens pensent que je suis forcément ce que je chante.

C: Ce n’est pas parce que je dis  » I » qu’il s’agit de moi: une phrase me vient à l’esprit et je la continue. J’aime l’esprit de la Beat generation qui exprimait la vraie vie, non organisée, sans fin. A l’opposé d’un thriller où chaque détail est pensé. Je suis fascinée par l’Amérique: à 16 ans, j’ai passé plusieurs mois à Toronto, j’allais au lycée. Puis plus tard, j’ai eu une bourse pour étudier dans une université de l’Ohio. Mais je reste musicienne et je ne me vois pas faisant de la pub pour du shampoing, je fais un métier d’artisan. Mon modèle public, c’est Meryl Streep, une bonne actrice dont on ne sait rien. Elle ne fait pas de pub pour les shampoings, n’est pas devenue l’objet des gens!

Claudine, l’un des titres en français de l’album est La Révolution des poissons rouges. C’est la métaphore d’une vraie chanson révolutionnaire?

C: Non. Thierry, le guitariste-arrangeur raconte toujours une blague sur 2 poissons rouges qui passent leur temps à tourner l’un derrière l’autre dans un bocal. Et puis, il y en a un qui demande:  » Qu’est-ce que tu fais demain? » C’est drôle, on est comme les poissons rouges, sauf que nous, logiquement, on pourrait se libérer!

La chanson, c’est de la psychanalyse?

C: Je ne crois pas à ces choses-là. Je ne préfère pas analyser ma démarche. Il y a des choses plus intéressantes que soi: le monde. Et j’ai parfois peur de ne pas tout voir.

D: Je travaille très fort mes textes et je crois que l’analyse, tu dois la faire à fond. Le rapport au monde est dans le réel, Internet n’est qu’un outil de curiosité. Je suis allé chercher le réel dans des endroits même déplorables, en Haïti, en Pologne, à Moscou dans des cafés pourrris où je jouais des chansons que personne ne comprenait sur un ampli déchiré. L’idée majeure, c’est la confrontation: j’écris des textes très compliqués mais mes chansons, mes mots, sont très simples! En scène, je suis un animal mais aussi le fruit d’une grande réflexion…

L’économie mène le monde, la musique aussi…

D: J’ai définitivement laissé tomber la question de la rentabilité. J’ai une vie modeste et je considère que l’argent gagné va d’abord à la création. Je suis dans l’arte povera mais c’est super riche! Je me consacre à la musique complètement et je pense que cela transparaît.

C: C’est courageux! Moi, je suis chargée de cours dans un lycée et je n’ai pas de rêve d’argent: même avec ce qu’on gagne, cela a été très juste pour enregistrer un second disque. Sans mon salaire de prof, je ne pourrais pas le faire!

Critiques de leurs disques: page 35

Claudine Muno, 30 ans:

« Ce que je préfère, c’est faire de la musique, dans toutes les circonstances, chez moi, sur scène, sur l’ordinateur. Je ne sais pas si ma personne importe beaucoup. . . Je suis introvertie et cela fait 30 ans que cela dure. Je suis née dans le Minett, une région industrielle du sud du Luxembourg. Avec les 6 musiciens de The Luna Boots, on a commencé en anglais en 2003 et on y revient un peu plus avec ce disque-ci. J’écoute Tom Waits, Joni Mitchell, Fleet Foxes. J’expérimente avec les sons. »

Daniel Hélin, 38 ans:

 » Je suis auteur-compositeur-interprète-performer-écrivain-chômeur-poète contemporain. J’ai aussi fait du cirque et du théâtre. Je fais de la recherche, du développement. J’habite depuis 15 ans en roulotte avec un interlude de 2 années en appart à Bruxelles. Je fais tout tout seul, j’ai fabriqué mon dernier album à la main, tiré à 500 exemplaires, si j’avais pu construire les rondelles avec un burin, je l’aurais fait: j’ai même fabriqué une plieuse. J’ai besoin de faire de la scène, et j’y retourne en solo, pour être au plus cru de ce que j’ai envie de défendre.  »

Rencontre Philippe Cornet

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