UNION BRUXELLOISE D’UNE SUÉDOISE VOYAGEUSE ET D’UN ITALO-TOURNAISIEN, VICTORIA+JEAN A MIS QUATRE ANS À TERMINER UN PREMIER ALBUM LIBÉRATOIRE ET UNE SÉRIE DE CLIPS CHERCHEURS. D’OÙ UN ROCK CRUNCHY PRÉSENTÉ AUX NUITS BOTA.

En 2007, Victoria Tibblin, fille filiforme de 21 ans, sort un album éponyme soutenu par la machinerie Universal. A l’instar de la pochette qui fait éclater la bouche de la chanteuse, on n’est pas loin du cri primal et de l’accouchement intime, notamment celui des spasmes familiaux. Chez l’agaçant Nagui, Victoria explique entre autres qu’à 13 ans, elle a brièvement été mannequin, métier qui « s’apparente à de la prostitution mais gentillette« . Elle frappe pareillement en musique: d’un physique anti-Adele, elle tire une masse vocale qui chavire les préjugés sur les filles qui ne seront jamais Weight Watchers. Sa puissance de liane serrée couvre un rock bilingue tonitruant produit par le Belgo-Hollandais Didier Odieu Kengen. L’association avec ce dernier se terminera mal, Victoria supportant peu d’être soumise aux vapeurs d’autrui. Une autre rupture plus tard -avec Universal-France en pleine restructuration 2.0- et voilà Miss Tibblin libre comme l’air. C’est là que se produit le télescopage avec le prénommé Jean -qui ne donne pas son nom-, Tournaisien de Bruxelles ayant traversé l’une ou l’autre expérience rock via ses guitares chargées: choc, stupeur et tremblements, le coup de foudre amoureux se transforme en fusion sonore instantanée. Nous sommes en 2009: il faudra sept ans environ pour que l’univers musical du duo se concrétise intégralement dans l’album Divine Love, disponible en digital depuis fin avril. Dans un café d’Uccle garni de cadres anciens -et de quelques clients de même stature-, Victoria aux cheveux rouges et à l’extinction de voix, parle moins que Jean. Lui: « On avait cette crainte d’une histoire de musiciens faisant de la musique par amour, ce qui n’est pas très juste puisque la musique se suffit à elle-même. On voulait créer quelque chose d’indépendant, il fallait trouver une histoire, se greffer une colonne vertébrale, qui s’inspire aussi du parcours de vie de Victoria, son bouillonnement, sa transhumance ». Le trajet de Victoria est celui d’une fille balancée entre plusieurs résidences (Suède, Londres, Paris) qui finit par découvrir -lorsque sa mère meurt d’un cancer il y a quatre ans- que son père supposé biologique ne l’est pas. Elle: « Un ami de ma mère, qui venait de partir, m’a donné le nom de mon vrai père, un Américano-Suédo-Norvégien, et je lui ai téléphoné, il tient un restaurant à Stockholm. » Liens défaits et renoués, fissures de vie, frictions et amour blindé nourrissent ce premier disque qui est l’aboutissement d’une véritable saga pour la viking Victoria et son conducteur de drakkar, Jean.

Coeur suédois

Le processus de fabrication de Divine Love est en lui-même un mode de vie. Le couple, fauché dans son 30 mètres carrés bruxellois, boucle douze titres avec l’aide de l’excellent ingé son Rudy Coclet et dresse une liste de producteurs fantasmés. « On les a contactés, on leur a envoyé des démos, on est allés les voir sur place, en Grande-Bretagne, en France ou en Suède, on a pris des trains sans avoir de thune, on leur a à chaque fois proposé de prendre deux des douze chansons, et personne n’a choisi les mêmes ». Au final, le casting visé implique des talents tels que Ian Caple (Bashung), Rob Kirwan (The Horrors), Joe Hirst (Stone Roses) ou John Parish (PJ Harvey). La connexion avec la chanteuse britannique ne s’arrête pas là: sa collaboratrice et vidéaste Maria Mochnacz est également séduite par le tensiomètre de Victoria + Jean et leur boucle un clip de Bonnie & Clyde sous acide pour Pull the Trigger. Bien placé sur l’échelle d’une certaine congruité mode. L’objet filmique fait partie de la même stratégie a priori zinzin de contacter des gens souvent déjà en place -producteurs ou clippeurs- et de les convaincre du bien-fondé de travailler avec deux quasi-inconnus européens, pour pas un balle. Ou presque. Les visuels de trois-quatre minutes sont ainsi postés depuis l’automne 2013 pour alimenter une rumeur trouvant sur scène de puissantes justifications: Victoria et Jean, la sirène et le guitariste, aidés d’un troisième instrumentiste, travaillent assaut et tension via une forme de brutalité qui s’annoncerait totalitaire s’il n’y avait aussi le charnel victorien et ses tuméfactions à fleur de peau. Parmi la demi-douzaine de vidéos en circulation sur YouTube, on note les deux belles réalisations de Christophe Thockler sur Fire Cracker et Why Won’t You, celle atmosphérique du jeune Belge Corentin Kopp sur l’éternel bout de coeur suédois (Härligt Sverige), le classieux Where We Belong de Philippe Carron et le plus sophistiqué d’entre tous pour Divine Love. Celui-ci est dirigé à Los Angeles par Anita Fontaine, features Annabella Wallis, oui, la nouvelle copine de Chris-ColdplayMartin. Comment un duo sans support discographique autre qu’une signature sur le label indépendant canadien Cadence Music, arrive-t-il à conglomérer autant de faisceaux et de name dropping sur son propre univers électrique? Début de réponse au Botanique et puis ailleurs en Belgique, incessamment.

EN CONCERT LE 16 MAI AUX NUITS BOTANIQUE, LE 22 À EUPEN, LE 25 JUIN À NAMUR, LE 15 JUILLET À DOUR.

RENCONTRE Philippe Cornet

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