Réalisateur rare -il sort un film tous les 5 ans-, John Cameron Mitchell n’avait pas les faveurs des pronostics chez Ladbrokes… Après un roadmovie déjanté ( Hedwig and the angry inch) emmené par un musicien de rock transgenre à la poursuite de son ancien amant qui a plagié ses chansons et une tragi-comédie sulfureuse ( Shortbus) centrée sur un club underground new-yorkais où toutes les sexualités sont permises (une seule scène aurait été simulée), on n’imaginait pas nécessairement le garçon diriger une £uvre classique, sobre et poignante, sur le deuil et la manière d’y faire face.

Elevé dans une culture catholique et militaire stricte mais ouvertement gay et fasciné par le sexe, l’improbable réalisateur né il y a pratiquement 47 ans à El Paso, au Texas, ne sera probablement jamais vraiment où on l’attend. Il confie avoir écrit des films pour enfants qui n’ont jamais été financés et pas mal d’autres choses qu’on verra un jour en salle si on le laisse les tourner.  » Beaucoup de réalisateurs aujourd’hui ont une griffe, un cachet qu’ils appliquent à tous leurs projets. Ce qui peut parfois donner un film formidable mais débouche la plupart du temps sur quelque chose de totalement inapproprié. Moi, je lis les scripts et puis seulement je réfléchis à comment les diriger. Quand j’ai lu l’adaptation de Rabbit Hole , j’ai repensé à tous ces longs métrages qui m’ont bouleversé quand j’étais gamin. Comme Ordinary People de Robert Redford. Des films hollywoodiens tels qu’Hollywood n’en fait plus. Où la patte du réalisateur est invisible. Où on ne dicte pas au public quand il doit rire ou pleurer.  »

Quoi de plus universel en même temps que le deuil? La mort pour ceux qui restent. Ce deuil, tout particulièrement celui d’enfants, ne cesse d’ailleurs ces dernières années de hanter le cinéma. Remuant de manière cathartique nos souffrances et nos peurs de perdre des êtres chers. Un menuisier accepte pour apprenti celui qui a tué son gamin dans Le Fils des Dardenne. Des parents cachent la mort de leur fils à sa propre s£ur dans le Je vais bien, ne t’en fais pas de Philippe Lioret. Une madre part à la recherche de son ancien amour suite au décès de celui qui était le fruit de leur union dans Tout sur ma mère d’Almodovar. Un psychanalyste se débat avec la disparition de son fiston dans La Chambre du fils de Nanni Moretti. Tandis qu’une famille se retrouve pour commémorer l’un des siens 15 ans après sa noyade dans le Still Walking de Kore-Eda. Et qu’une jeune veuve perd son rejeton, assassiné par un malade mental, dans Secret Sunshine de Lee Chang-Dong.

Si on parle du deuil de manière générale, on peut encore citer A Single Man de Tom Ford où un professeur ne surmonte pas l’accident de voiture de son conjoint et Les Trois Enterrements, de Tommy Lee Jones, qui voit la mort d’un paysan mexicain au Texas honorée par son contremaître lors d’une extraordinaire expédition.

 » J’ai perdu mon frère dans les années 70, dévoile John Cameron Mitchell . Et à l’époque, à tout le moins là où je vivais, au Kansas, on n’était pas supposé parler de comment on le vivait, de ce qu’on ressentait. On peut trouver du réconfort dans l’herbe, dans des films, dans la science… Mais je viens d’un environnement très religieux. Et Dieu, c’est tout ce qu’on avait pour surmonter ces événements douloureux. Ma mère n’aurait pas survécu sans cette image de mon frère au ciel mais ça n’a pas vraiment marché pour moi. C’est même à ce moment-là que je me suis éloigné de l’église… Je ne comprenais pas que quelqu’un supposé être bon puisse tester les gens de la sorte. Enfin bref… J’ai ressenti quelque part le besoin de réexaminer ces sentiments. J’ai un appartement pas cher. Ça me permet de n’accepter que les projets qui m’intéressent vraiment.  » l

J.B.

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