Le prolifique Takashi Miike revisite le film de samouraï à la faveur de 13 Assassins, remake d’un classique des années 60. Soufflant…

Takashi Miike, le public occidental l’a découvert en 1999 avec un Audition pour le moins gratiné . Le cinéaste japonais justifiait alors une cultissime réputation, entretenue tout au long d’un parcours déjà solide. Ancien assistant de Shohei Imamura, Miike était passé à la mise en scène avec les années 90 et le boom du « V-Cinema » au Japon, réalisant des films de genre destinés directement au marché vidéo, avant de s’atteler bientôt à des productions au budget plus important. Cela, tout en maintenant un rythme de travail frénétique qui ne s’est pas démenti ensuite. Depuis le début des années 2000, le réalisateur nippon a ainsi tourné une trentaine de films, au rang desquels Ichi the Killer et autre Detective Story, redéfinissant le concept même de cinéaste prolifique. Série toujours en cours, d’ailleurs, puisque depuis la découverte de 13 Assassins, en septembre dernier à la Mostra de Venise, Miike a présenté Ichimei en compétition à Cannes, alors que le site de référence imdb lui prête encore 3 projets en cours de production.

D’autres y perdraient leur cinéma, Miike vous assure pour sa part qu’il n’y a rien de plus naturel qu’enchaîner les films à raison de 2, 3, voire 4 par an. « Peut-être cela tient-il à ma personnalité, observe-t-il dans un sourire. Enfant, aux derniers jours des vacances d’été, j’avais toujours des regrets de ne pas avoir travaillé plus mais aussi de ne pas m’être plus amusé. Si je disposais de plus de temps pour tourner, je risquerais de m’abandonner à la paresse. J’aime tourner beaucoup parce que cela me permet de rencontrer des gens talentueux, et d’apprendre des choses nouvelles. Etre occupé me permet donc de trouver des éléments susceptibles d’être intégrés à mes films. Et j’aime me frotter à tous les genres qui se présentent…  » Quitte, encore, à faire figure d’original dans le cinéma japonais contemporain: « Sans doute le système me considère-t-il comme un étrange vieil homme, mais cela correspond à ce que je suis », grince-t-il…

Du neuf avec du vieux

Remake d’un classique éponyme tourné par Eiichi Kudo en 1963, 13 Assassins ne devrait pas changer grand-chose à l’affaire. Miike s’y attèle au film de samouraï, un genre et un film qu’il a abordés avec respect: « L’histoire est identique à celle de l’original. Mon idée n’a pas été de créer délibérément quelque chose d’inédit, parce que le simple fait de respecter le film de Kudo, et la manière traditionnelle dont il avait été fait allait induire un sentiment de nouveauté, plus personne ne procédant de la sorte. Il n’est pas toujours nécessaire de s’appuyer sur la technologie pour créer du neuf. »

Chassez le naturel, et il revient au galop cependant. Il ne faut pas longtemps pour que, par-delà ses v£ux de fidélité, la griffe Miike ne s’impose, donnant au film une saveur et une odeur toutes particulières, où une dimension volontiers trash le dispute à une distanciation quelque peu ironique. Constat qui appelle une précision historique de sa part: « Le film original avait été tourné pour une grosse compagnie de production (la Toei, ndlr) , à une époque où faire ce genre de films était à la fois populaire et rentable. En tant que cinéaste travaillant en dehors du système, je suis à même d’adopter un point de vue légèrement différent. L’ironie découle notamment du fait que ce film n’a pas été réalisé au sein d’un système sous contrôle. « 

Se réappropriant le film de samouraï, Takashi Miike entend aussi y sensibiliser une nouvelle génération de spectateurs. « La plupart des films japonais d’aujourd’hui ne sont conçus que comme du pur divertissement, à destination d’un public le plus large possible, qui en sort rassuré et heureux. Cela n’a toutefois rien de stimulant pour nous, réalisateurs ou acteurs, qui voulons continuer à croire que les spectateurs sont capables de comprendre autre chose. Mon message à destination des jeunes spectateurs japonais est de leur faire réaliser qu’il existe d’autres types de films, et qu’ils peuvent être libres et ne pas nécessairement s’en tenir aux produits réalisés pour le plus grand nombre. » Non sans avoir trouvé dans 13 Assassins matière à satisfaire ses appétits d’homme pressé: « Ce que j’aime dans les films de samouraï, c’est que les personnages peuvent y faire en une nuit ce qui prendrait 100 jours dans un drame contemporain…  » Démonstration virevoltante à l’écran…

Rencontre Jean-François Pluijgers, à Venise

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