Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

AVANT DE SORTIR SON « MAGNUM OPUS », LE RAPPEUR PUSHA T LIVRE UNE PREMIÈRE MISE EN BOUCHE. EN RÉALITÉ, UN VÉRITABLE ALBUM, CONCIS ET BUTÉ. DARK IS BEAUTIFUL…

Pusha T

« King Push-Darkest Before Dawn: The Prelude »

DISTRIBUÉ PAR UNIVERSAL.

8

Ces dix dernières années, Pusha T n’a jamais déserté longtemps le devant de la scène rap ricaine -pour finir par devenir l’un de ses principaux tauliers. Pourtant, aussi étonnant que cela puisse paraître, Terrence Thornton de son vrai nom ne sort aujourd’hui que son deuxième album. Comment l’expliquer? Repéré sur le Good Stuff de Kelis dès 1999, Thornton a d’abord commencé par monter le projet Clipse, avec son frangin -connu sous le pseudo de (No) Malice. Basé à Virginia Beach, la fratrie bossera avec Pharrell Williams (The Neptunes), qui produira les trois disques du duo- dont l’album HellHath No Fury, pièce essentielle du rap des années 2000… Après la mise sous éteignoir de Clipse en 2009, Thornton met toutefois du temps à rebondir. Il s’agite surtout dans de nombreux featurings -notamment sur le My Beautiful Twisted Dark Fantasy de Kanye West. Finalement, il sort un premier album solo en 2013: My Name Is My Name confirme une bonne fois pour toutes le talent du bonhomme, rappeur vicieux au flow limoneux.

Nommé récemment à la présidence du label de Yeezy (GOOD Music), Pusha T est ainsi devenu au fil du temps ce drôle d’électron libre de la planète rap. Un « vétéran » (38 ans) à peine usé, profitant pleinement de sa position d’outsider pour mettre au point ses propres règles du jeu, imperméable aux tendances rap les plus frétillantes -non pas parce qu’elles n’arrivent pas jusqu’à lui, mais simplement parce qu’il n’en a pas besoin pour rester pertinent…

Mise en bouche

L’intéressé l’avait par ailleurs promis: la suite monterait encore d’un cran, du calibre à terminer en tête des classements de fin d’année. Plusieurs fois annoncé, l’album, intitulé King Push, est resté pourtant calé jusqu’ici dans les starting-blocks. De quoi commencer à douter?

Pour faire patienter, Pusha T a donc décidé de balancer un hors-d’oeuvre. Officiellement un prélude, baptisé Darkest Before Dawn. Une mise en bouche qui pour la plupart des galériens du rap ferait déjà office de menu complet 4 étoiles. Plus ramassé et cohérent (voire monochrome), Darkest Before Dawn laisse tomber les (maigres) ouvertures plus « pop » ou R’n’B (40 Acres, Let Me Love You) présentes sur son effort précédent. A la place, le rappeur a demandé à ses différents producteurs d’aller gratter là où ça démange, là où ça dérange. Cela donne notamment Untouchable, angoisse nocturne troussée par Timbaland, qui a la bonne idée de convoquer un sample de Notorious BIG. Plus loin, MPA -avec A$AP Rocky, The-Dream et Kanye West- sonne comme une suite de Runaway, le tube du dernier cité sorti en 2010 (et sur lequel Pusha T prenait le pont à son compte). Produit par Q-Tip, F.I.F.A. est un autre exemple de titre aussi malin que déglingué, à la fois ombrageux et immédiat. En toute fin de disque, quand on allait tout de même finir par reprocher à Pusha T de se contenter de rabâcher ses éternelles histoires de dope (il a longtemps dealé de la coke), il sort Sunshine de sa besace. Avec des airs de Nina Simone, Jill Scott lance le morceau, sorte de rumination sur la question raciale aux States. « America, you need a miracle », annonce Pusha T. Vivement la suite…

LAURENT HOEBRECHTS

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