Avec La princesse de Montpensier, Bertrand Tavernier renoue avec le film historique, un genre qu’il aborde à sa façon, à l’abri du décorum…

Entre le film historique et Bertrand Tavernier, il y a comme une évidence, entretenue depuis le milieu des années 70 et Que la fête commence, évocation de la France sous la Régence qu’allaient suivre des films aussi divers que La Vie et rien d’autre, La fille de D’Artagnan et autre Capitaine Conan, pour ne citer que ceux-là. L’Histoire, le réalisateur l’envisage de manière respectueuse, encore que toute personnelle, postulat encore vérifié à la faveur de La princesse de Montpensier, plongée dans la France du XVIe siècle inspirée de Madame de La Fayette…

On est frappé, à la vision de votre film, par l’extrême modernité de cette histoire…

Dès qu’on regarde l’Histoire avec un £il qui oublie le décorum et tout ce qu’il peut y avoir de superficiel, on y trouve, sans la manipuler ni la transformer, des vérités ou des sentiments qui sont encore très importants à l’heure actuelle. C’est cela, la leçon de l’Histoire. Et cela vaut pour tous les films historiques que j’ai faits.

Dans le cas de Marie de Montpensier, quel est l’élément qui vous a donné envie de passer 2 ans avec elle?

La manière dont elle lutte pour préserver sa dignité, dont elle essaye de survivre, elle qui n’a pas été éduquée, ni préparée à affronter ce qu’elle doit affronter. Je suis touché par ses combats, ses déchirements, la lutte qu’il y a en elle entre la raison et l’attirance sexuelle, par son désir d’apprendre aussi pour s’en sortir. Elle sent, elle ne sait pas, et n’exprime pas une pensée féministe, mais beaucoup de choses, dans ce combat, peuvent recouper un point de vue féministe.

Vous avez abordé différentes époques dans vos films. Comment procédez-vous pour ne pas vous laisser écraser par celles-ci?

Je dévore, j’absorbe, et je trie. J’ai une forme d’instinct qui me permet de trier ce qui va être superficiel, encombrant, et un détail qui va, tout d’un coup, être révélateur et important. Je le sens, à force de le faire. Je pense souvent à ce que m’a dit Alexandre Trauner ( le décorateur de Marcel Carné, ndlr): « L’art, c’est la soustraction. » Pour les costumes, par exemple, avec Caroline de Vivaise, on s’est demandé ce qu’on allait retirer, et on a ôté tout ce qui allait gêner les comédiens, les faire sentir qu’ils sont dans un film à costumes. Il n’y avait pas de règles de savoir-vivre à l’époque, les gens n’avaient aucun soin de leurs habits. Quand vous dites cela à des acteurs, ils sont ravis: d’un seul coup, cela change le comportement qu’ont généralement les gens dans les films historiques.

Avez-vous traité les scènes de bataille dans le même esprit?

Absolument, sans story-board ni effets spéciaux. J’avais établi un cahier des charges, pour qu’il y ait toujours plusieurs actions en même temps, et que, comme dans Capitaine Conan, je puisse passer d’une action à l’autre dans le même plan. Ce qui donne l’impression de cascades, c’est lorsque la caméra va filmer une action périlleuse, et la détailler. Moi, je ne la détaille pas: elle arrive au milieu, après, ou avant 5 ou 6 autres actions. Cela coupe l’impression qu’on filme une prouesse athlétique. Je me suis inspiré de ce que m’avait dit Raoul Walsh à propos des scènes d’action de Objective Burma et The Naked and the Dead: il ne faisait pas de répétitions, et tournait dès qu’il avait déterminé les places et les endroits des explosions. Si rien n’était bon, on recommençait, si c’était bon de A à C, on mettait la caméra à C, et on continuait, de façon à ne jamais faire 2 fois la même chose. On a essayé de faire cela, et c’était formidable.

Entretien Jean-François Pluijgers, à Cannes.

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