Le passé finit toujours par nous rattraper. Alors que la puissance de feu des ordinateurs peut aujourd’hui matérialiser les rêves les plus fous, le monde de l’animation semble préférer à cette musculation technologique les bonnes vieilles recettes à l’huile de coude. Du stop motion – avec pâte à modeler ( Mary et Max), figurines ( Panique au village) ou marionnettes ( Fantastic Mr. Fox) – au dessin animé « à l’ancienne » ( La Princesse et la grenouille), le cinéma animé a fait ces derniers temps un grand bond en… arrière. Techniquement parlant en tout cas. Même Walt Disney a donc ressorti les rames de papier et les crayons de couleur pour retrouver la patine des trésors maison. Une bouffée de nostalgie? Sans doute un peu. Mais il y a aussi dans ce rétropédalage une volonté de ne plus mettre de côté des techniques simplement parce qu’elles auraient fait leur temps. De même que les groupes de musique qui font frétiller la bande passante (Empire of the Sun, La Roux…) renouent avec les sonorités synthétiques des années 80, les orfèvres du cartoon ne se font pas prier pour tremper leur imaginaire dans le pot de confiture des travaux manuels. Mais qui dit vieilles casseroles ne dit pas forcément plats avariés. Au contraire. Wes Anderson et consorts ont une attitude décomplexée par rapport à cet héritage. Tous recyclent d’ailleurs les recettes tradi-tionnelles pour soulever des questions très actuelles. Comme le sombre Mary et Max, reflet des impasses d’un monde déboussolé. Ou comme La Princesse et la grenouille, qui met en lumière pour la première fois une héroïne black dans un conte Disney. Ce qui est une bonne nouvelle mais aussi la démons-tration qu’Hollywood lave plus blanc que blanc. Il aura en effet fallu attendre un siècle et demi après l’abolition de l’esclavage pour qu’une Afro-Américaine accède à la plus haute marche de la galaxie Disney. Les animaux ont eu droit à plus d’égards… Au-delà de cette anecdote particulière, la coexistence pacifique entre technologie d’hier et d’aujourd’hui marque le retour en force de la culture de la transmission. On avait un peu tendance depuis les années 60 et l’avènement du jeunisme à considérer ce qui était nouveau comme une sorte de sommet indépassable. Chaque génération noyait ses névroses dans les flots d’un courant artistique bientôt coulé dans le bronze des dogmes. Un schéma qui patine aujourd’hui sur le sol détrempé du capitalisme triomphant. Tout bénéfice pour cette culture-transmission, moins sujette aux caprices de la météo des modes et des sentiments évanescents. De là à penser que le passé a de l’avenir…

Par Laurent Raphaël

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