Louis Danvers
Louis Danvers Journaliste cinéma

BEAUTIFUL LOSERS – JACQUES AUDIARD RANIME MARION COTILLARD, ET CONSACRE MATTHIAS SCHOENAERTS, DANS UN DRAME POIGNANT, AUX PUISSANTS ACCENTS RÉALISTES ET SENSUELS.

DE JACQUES AUDIARD. AVEC MARION COTILLARD, MATTHIAS SCHOENAERTS, ARMAND VERDURE. 2 H. DIST: IMAGES & VISIONS.

C’était déjà un des meilleurs films de l’année. Grâce à des suppléments de choix, c’est aussi un des plus intéressants coffrets DVD de 2012. Deux heures de grand cinéma, une heure de bonus passionnants où Matthias Schoenaerts tient assez logiquement la vedette, le jeune acteur belge étant sans conteste la révélation du film de Jacques Audiard. Le cinéaste français a trouvé l’inspiration de De rouille et d’os dans un recueil de nouvelles signées Craig Davidson. L’écrivain canadien s’attachait, dans Rust And Bones, à tracer le portrait saisissant, douloureux, de personnages n’ayant plus grand-chose à défendre, vivant ou survivant à la limite, à la marge. Adaptant principalement deux nouvelles, Audiard a choisi de placer au centre de son film une jeune femme française qu’un accident de travail (elle était dresseuse d’orques au Marineland d’Antibes) a laissée cruellement mutilée, et un ex-boxeur belge descendu dans le Midi pour se réfugier chez sa soeur avec un fils de 5 ans. Ayant croisé Stéphanie avant son accident, alors qu’il avait trouvé un job de videur de boîte de nuit, Ali la retrouvera plus tard. Entre ces deux êtres marqués, blessés, va naître une relation que le film d’Audiard chronique avec un mélange d’âpreté, de tendresse, et de sensualité.

Face à une Marion Cotillard déchirante de justesse, heureusement éloignée de ses facilités par l’exigence de son metteur en scène, Matthias Schoenaerts crève l’écran. Le comédien anversois, déjà vu et apprécié dans Loft, My Queen Karo, Pulsar et Rundskop, allie présence physique impressionnante et fragilité intérieure dans un film sur le tournage duquel Audiard l’a fait énormément travailler pour trouver son personnage. L’acteur révèle quelques secrets de cette rude mais très excitante collaboration dans l’entretien qui figure dans les suppléments. Le making of, les scènes coupées, en disent parfois long, aussi. Et confirment la stature d’un Jacques Audiard dont la filmographie riche de six longs métrages tous formidables signale le talent fou et la personnalité. Venant après Regarde les hommes tomber, Un héros très discret, Sur mes lèvres, De battre mon coeur s’est arrêté et Un prophète, De rouille et d’os creuse la veine d’un (parfois ultra) réalisme coloré de lyrisme tendu et de fulgurances poétiques. En le revoyant, émus, il nous revient à la mémoire le titre d’un beau roman signé en 1966 par le chanteur et poète LeonardCohen: Beautiful Losers… Des perdants magnifiques, Ali et Stéphanie, des héros d’un quotidien dévasté, dévoré jusqu’à l’os par un destin mauvais, et qui pourtant s’autorisent à aimer.

LOUIS DANVERS

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