« Quand on a commencé avec Jay Alanski, Leiber et Stoller étaient nos idoles, raconte Jacques Duvall, qui a adapté une de leurs chansons (Is That All There Is?) en français pour Charline Rose (sous le titre Laissez-moi descendre). On se reconnaissait même quelque part en eux. Ils étaient blancs et ont écrit pour des bluesmen black avant d’élargir leur univers, je pense, un peu contraints et forcés. De manière générale, les auteurs-compositeurs n’ont aucun pouvoir. Ils ne sont que des fournisseurs. C’est une position hyper jolie. Ils vivent dans la création. Mais ça peut devenir minant aussi parfois. Les décisions appartenant aux maisons de disques et aux interprètes. Leiber et Stoller se sont débrouillés pour garder le contrôle de leurs morceaux. Et la clé, c’est le succès. Quand vous en avez, tout le monde est à vos pieds. »

Parolier, Duvall a écrit 321 chansons pour les autres. Que ce soit Lio, Alain Chamfort, Marie-France, Jane Birkin, Etienne Daho ou Telex. « Je n’ai travaillé qu’avec des amis ou des gens qui le sont devenus. Mais il peut arriver que naissent certaines frustrations. J’ai décroché deux tubes. A chaque fois, ils ont fait un malheureux. Et à chaque fois, il s’agissait du compositeur. Alanski avait écrit la musique de Banana Split. J’étais persuadé que Marc Moulin était l’homme de la situation à la production. Mais son boulot ne lui a pas plu. Marc justement a composé la musique des Brunes comptent pas pour des prunes. Chamfort, qui l’a produit, y a rajouté une ligne de basse. Et le morceau aux sonorités black est devenu un titre pop rock. Dans les deux cas, j’ai vu mon partenaire mal dans sa peau. La déception s’est dissipée avec le succès. »

Un succès que les auteurs-compositeurs vivent souvent dans l’ombre. Dans le monde francophone, on connaît surtout ceux, comme Goldman et Obispo, qui ont fait carrière en tant qu’interprètes. Par comparaison, Boris Bergman (Gréco, Bashung…) est surtout un nom familier des spécialistes et des professionnels. Quoi qu’il en soit, quand on veut écrire pour les plus grands, il faut figurer dans les petits papiers des décideurs. « Le PDG d’Universal ne file pas sa vedette à un type qu’il n’a plus vu depuis 20 ans. »

Duvall a toujours voulu écrire pour Johnny Hallyday comme c’est arrivé à son pote Miossec. « J’ai touché le truc du bout des doigts. Dans ce temps-là, on envoyait des cassettes. J’ai reçu la musique avec des paroles chantées en yaourt, quelques vagues termes anglais, et un petit bout de papier bizarre sur lequel quelques mots avaient été griffonnés. Je n’avais pas compris qu’ils devaient se retrouver dans la chanson. Je ne bossais pas comme ça. J’ai refusé. Et quinze jours après, le disque était en magasin, la chanson écrite par Etienne Roda-Gil. » Surréaliste: il a aussi failli fournir Michael Jackson… A l’époque, le Belge venait de signer chez Sony en France. « Le directeur artistique m’avait à la bonne. Et j’étais sans doute le dernier type qu’il avait croisé. Bref. Il avait reçu un coup de fil des USA et voulait un morceau en français pour Michael Jackson sur la musique de Liberian Girl. J’ai écrit un truc dont je n’ai plus la moindre trace. La petite amie de Quincy Jones parlait français et elle l’a coaché mais ça n’a jamais abouti. Je fantasme quand même un peu. Existe-t-il quelque part un enregistrement, même de piètre qualité, avec sa voix sur mon texte? Si oui, je rêve de l’entendre. »

J.B.

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