À NEW YORK, LE 9 OCTOBRE, LA CÉLÈBRE MARQUE AMÉRICAINE D’ENCEINTES LANÇAIT UN AMBITIEUX PRODUIT MONDIAL, LE SOUNDTOUCH, WI-FI DE DISTRIBUTION MUSICALE POUR LA MAISON. PAS TOTALEMENT INÉDIT… RÉCIT D’UNE CAMPAGNE MARKETING D’ENVERGURE ET SENSATION HI-FI.

« Même à notre niveau, nous ne connaissons pas les véritables chiffres de lancement du SoundTouch. Tant qu’on nous dit d’y aller, on y va: c’est l’avantage de Bose, qui est encore une « société familiale », malgré ses 10 000 employés et ses 120 points de vente en Amérique. Elle n’est pas cotée en bourse et ne doit donc pas immédiatement rapporter des dividendes à ses actionnaires. Je pense qu’on a plus de liberté qu’ailleurs, c’est peut-être pour cela que je travaille pour la compagnie depuis 20 ans! » Pete, 40 ans, a gardé l’accent mâchouillé de son Manchesta natal, malgré des détours par Boston et maintenant Paris. « Je n’ai jamais parlé en personne au fondateur de la marque (Amar Bose, mort en juillet, ndlr) mais j’ai assisté à l’un ou l’autre meeting qu’il dirigeait: quel homme! » En attendant de visiter les usines délocalisées -Mexique et Malaisie-, Pete prend un expresso en face de la townhouse de Soho spécialement louée pour la présentation de la chose. Pour peu, on se croirait dans un « mouvement » -parler de secte serait tendancieux- à la façon intime dont on est convié à visiter la famille des loudspeakers: typiquement américaine aussi, la sur-convivialité affichée. « On peut presque dire que le coup médiatique est aussi cher que la mise au point du SoundTouch« , rigole Mike, 17 ans de Bose, responsable du design du nouveau produit. Il plaisante bien sûr: malgré la dimension du package -180 journalistes dont la moitié de non-Américains emmenés en classe business à New York et logés au frimeur Trump Soho pour trois jours de repas, attractions multiples et petits cadeaux attentionnés (sans drogue ni sexe)- et la discrétion obligatoire des chiffres, on parle d’un projet à quelques dizaines de millions de dollars. « Plusieurs centaines de personnes ont bossé sur la confection, précise Mike-le-designer: les premières pistes datent de neuf ans, avec des options abandonnées en route, ce qui est un peu la loi du genre, mais ce sont surtout les deux dernières années qui ont rassemblé toutes les forces. Ce qui complique la donne, c’est que tout changement de design par exemple, a un impact sur l’acoustique, et inversement. L’idée est d’arriver à l’utilisation la plus simple possible. » Alors que la lumière descend sur Central Park, les ormes de l’entrée de Colombus Circle forment des brocolis géants qui semblent menacer les immeubles immobiles. Dans un resto-bar du Lincoln Center dominant cette vue prodigieuse, Bose invite à manger un gumbo et plus, alors qu’un sextet dérouille un jazz réchauffant habilement les standards de Freddie Hubbard ou de Kenny Dorham. Pas un hasard si c’est cette musique-là que la marque associe à l’événement puisqu’elle est à la fois classique, intemporelle et, ce soir-ci, un rien United Colors Of… vu que le minuscule trompettiste blanc dégarni prend d’aussi beaux solos que ses deux collègues afro-américains, dont la réplique jeune de Dizzy Gillespie avec des lunettes Ray Charles. En douceur, « comme le produit« , précise, dans un sourire rayonnant, une attachée de presse de la firme.

Rondeurs chics

Les déclinaisons de « simplicité » reviennent d’ailleurs comme un mantra qui aurait été préalablement incrusté dans tous les cortex bosiens concernés. Cette idée d’immédiateté jouxte l’embargo d’infos fixé au 10 octobre à 16 heures, New York time -violentée par des Australiens en quête de faux scoop-, le SoundTouch attendant déjà les freaks Bose dans tous les magasins. Entretemps, on nous transporte en car noir (de luxe, il va sans dire) à quelques centaines de mètres du Trump Soho où Bose s’est logé dans une maison ultra-smart. Au sous-sol de celle-ci, après un 23e café, on fait pénétrer par groupe d’une dizaine les scribouillards -la plupart hautement spécialisés dans le hi-fi- dans une pièce insonorisée au dépouillement bleuté que ne renierait pas un thérapeute insidieusement new age. Là, un certain Glenn est sur le point de présenter le fameux bébé dont jusque le nom de baptême constitue alors encore un secret industriel. On retient son souffle devant les modèles dévoilés au fur et à mesure des informations données. « C’est une nouvelle façon d’écouter la musique, une nouvelle adaptation aux pièces de la maison et à leurs nécessités, s’emballe Glenn. Peu importe où vous vous trouvez, cette nouvelle musique (sic) doit être puissante et extrêmement simple à utiliser, à peu près comme l’interrupteur qui nous amène l’électricité. » Le principe est -relativement- simple: les trois déclinaisons de SoundTouch, plus ou moins puissantes selon l’espace concerné, utilisent le wi-fi, pour aller puiser les musiques à la fois dans toutes les sources qui vous appartiennent ainsi que dans celles numériquement disponibles, les guidant selon divers schémas de consommation. Une commande centrale pilote le ST selon six presets établis et autant de supports de stockage ou d’accessibilité de la musique: l’un peut être le disque dur de votre Mac/PC, un autre l’une des 18 000 stations radios d’Internet, un troisième un album en particulier, un quatrième votre chanson favorite, le cinquième votre sélection reggae, etc. Donc, il suffit de presser par exemple le bouton 3 et d’écouter, jusqu’à plus soif, votre favori de Bowie. La technologie blue tooth plus wi-fi fera le reste. A partir de là, vous tissez vous-même votre propre toile selon les multiples paramètres. Il est possible d’unifier les différents ST de la maison -celui du fiston, le vôtre, un autre dans la sdb- pour jouer, de concert, la même musique, un soir de party. Avec -leitmotiv insistant, comme dans cette phase suivante où l’on est convié à écouter le produit dans une chambre de la maison- : « Une manipulation aussi facile que de mettre la lumière dans une pièce. » Et comme si on n’avait pas bien compris, un Boseman supplémentaire nous répète une des key phrases du moment: « Imaginez que vous revenez chez vous après une journée stressante, il vous suffit d’appuyer sur un seul bouton pour déclencher votre musique préférée. » Alors évidemment, tout cela est plus onéreux qu’un interrupteur, et l’idée d’architecturer la musique selon les pièces ou les besoins est aussi pratiquée par d’autres: par exemple, la (plus) jeune compagnie californienne Sonos (voir encadré). Mais Bose, persuadé que le design est le message, a mis au point un autre objet, planifié pour 2014, commandant deux mini-enceintes ultra-puissantes: un look de boussole qui peut se cliquer au mur et qui, son allumage réagissant à l’approche humaine, dématérialise encore davantage le geste de sélectionner la musique. Les rondeurs chics étant conformes à la patte maison, le minimalisme -une vertu semble-t-il certifiée: même le modèle « XXL » de ST n’occupe pas des masses de place, avec une qualité sonore qui flatte les basses sans occulter la puissance moyenne de l’artillerie. Pour parachever l’affaire, Bose a offert aux brigades journaleuses, non pas l’un de ses merveilleux SoundTouch, mais des écouteurs. C’est un bon début.

TEXTE Philippe Cornet, À New York

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