Louis Danvers
Louis Danvers Journaliste cinéma

CHILD FOCUS – L’OURS D’OR DE BERLIN AIME LE MIEL. VAINQUEUR DE LA BERLINALE 2010, LE FILM DE SEMIH KAPANOGLOU NOUS FAIT L’OFFRANDE D’UNE BEAUTÉ POIGNANTE ET D’UNE CLAIRE ÉMOTION.

DE SEMIH KAPANOGLOU. AVEC BORA ALTAS, ERDAL BESIKCIOGLU, TÜLIN OZEN. 1 H 43. SORTIE: 25/05.

Yusuf aime accompagner son père apiculteur dans cette forêt d’Anatolie où il installe ses ruches tout en haut des arbres et récolte un miel doré à souhait. Un jour, les abeilles se faisant de plus en plus rares, le papa devra se rendre plus loin pour exercer son métier.

Quand il tardera à revenir, Yusuf finira par s’inquiéter. Pour le petit bonhomme de 6 ans, le monde sera soudain plein de vide, le vide cruel laissé par l’absence du père… Après Yumurta (2007) et Milk (2008), Bal vient clore en beauté une trilogie inspirée à Semih Kapanoglou par les souvenirs de sa propre jeunesse. Le réalisateur turc y déploie des trésors d’esthétisme et d’émotion subtile, inscrivant sa chronique attentive dans une ligne réaliste mais traversée de fulgurances poétiques. A travers les yeux d’un enfant troublé, miné par la disparition de ce père qu’il aime et admire énormément, il capte une beauté douloureuse, et nous y fait vibrer.

Cruelle nature

Bal approche la nature dans toute sa majestueuse splendeur, mais aussi dans sa cruauté potentielle, renvoyant l’humain à sa relative insignifiance. îuvre contemplative au point de frôler quelque fois l’ennui (comme certains films du très talentueux Nuri Bilge Ceylan, osons le dire), c’est une expérience cinématographique qui doit se vivre en immersion. Aller se perdre dans l’image photographiée de sublime façon par Baris Ozbicer. S’abandonner à un son lui aussi d’une riche texture. Voir avec Yusuf, partager sa douleur comme ses émerveillements. La magie qui s’opère alors est de celles qui marquent la mémoire.

A presque 50 ans, Semih Kapanoglou rejoint les rangs des plus intéressants réalisateurs de sa génération. Le natif d’Izmir possède un £il très particulier, une vision à la fois personnelle et universelle qui permet à ses films de bien « voyager ». Le fait qu’il ait mis plus d’un an à sortir chez nous illustre les difficultés qu’éprouvent les distributeurs de films à valeur artistique ajoutée (« d’art et d’essai », comme on disait joliment naguère…) pour trouver place sur un nombre d’écrans spécialisés dramatiquement réduit. Or, un film comme Bal doit être vu en salle pour pleinement révéler ses charmes. Il est heureux qu’il s’y affiche aujourd’hui, même si c’est tardivement. l

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LOUIS DANVERS

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