De MAXIME CHATTAM, éditions ALBIN MICHEL, 2011.

Éc£urant. En écoutant Maxime Chattam, la machine à écrire française, on a une pensée presque émue pour tous les écrivains qui en bavent, surtout lorsqu’il s’agit de lâcher leur incipit, cette première phrase qui façonne toutes les autres et qui viole enfin leur page blanche. L’auteur de Entropia, lui, n’a qu’un seul souvenir douloureux sur quinze romans pour autant de best-sellers: le début d’ In Tenebris,  » parce que c’était mon deuxième livre, je m’étais mis beaucoup de pression« . Depuis, il  » accouche sous péridurale » et ne se prend plus la tête, qu’il remplace parfois par un ordinateur: ses incipits à lui sont très organisés.

La première phrase, c’est la plus importante?

Elle est fondamentale, mais elle n’est pas la seule. L’incipit, j’essaye en réalité de le renouveler à chaque chapitre, or je fais des chapitres courts! Mais ce n’est pas non plus une angoisse, plutôt l’aboutissement d’une réflexion, d’un accouchement particulier. Il ne faut pas se rater, le lecteur rentre par là. Elle est importante, mais j’ai compris qu’elle ne l’était pas plus que les autres. Pendant mes premières années, j’avais plus de difficultés à trouver le bon ton tout de suite, je devais souvent réécrire la totalité de mes 50 premières pages. Quand j’attaque un livre aujourd’hui, j’ai déjà la voix, je l’entends. La première phrase me donne simplement l’impulsion pour écrire, après un long travail de maturation déjà effectué.

Votre dernier roman, quatrième tome de votre saga Autre-Monde, est dense, complexe: tout le contraire de votre première phrase. C’est voulu?

Oui. Je voulais une entrée en matière très visuelle. En une phrase, placer une ambiance, poser le décor. Toute la scène qui va suivre est déjà installée. Elle est hyper simple, pas du tout exceptionnelle, mais elle a le mérite à mes yeux de poser une atmosphère, dès le début du livre.

C’est toujours ça, le but? Planter le décor?

Non, ça dépend. Parfois, j’utilise une phrase hyper sèche, qui ne situe rien, mais qui impacte immédiatement le lecteur, qui l’interpelle. Dans une nouvelle par exemple, comme dans Le fracas de la viande chaude, il faut que ça claque.

Jamais de figures de style?

J’use parfois du contresens: démarrer par une phrase qui a un sens très très marqué, mais que la phrase suivante -boum- désamorce complètement. Dans Prédateurs par exemple, je crois que je commençais comme ça:  » Il la décapita avec le bout des doigts. » Le personnage parle en réalité de sa cigarette… Tout est possible, le tout est de savoir pourquoi, quel est l’objectif à atteindre dans ce roman ou ce chapitre-là.

Et votre démarche d’écriture est toujours linéaire, de l’incipit à la dernière phrase?

Je pense, oui: sur les quinze romans que j’ai écrits, quatorze ont été conçus comme ça, comme on les lit. La sensation d’enfin sortir la matière, après maturation, ne se fait pas sur cette première phrase, mais sur les six mois de travail qui vont suivre. L’incipit, c’est ma première contraction, pas l’accouchement.

Qui n’est donc, pour vous, jamais douloureux?

Je ne ferais pas ce métier si c’était douloureux! Ce n’est pas simple, il s’agit de se vider, de lâcher ses tripes et de les poser pour qu’elles soient jugées par tous, y compris par un critique qui peut vous démonter en deux secondes, mais ce n’est pas douloureux. Juste terrifiant, parfois.

PROPOS RECUEILLIS PAR OLIVIER VAN VAERENBERGH ILLUSTRATION BLEXBOLEX

« Le vent sifflait entre les conifères, emportant la neige sur le bout des branches comme une poussière cristalline qui scintillait dans la pâle lumière du matin d’hiver. » MAXIME CHATTAM

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