AUTEUR, VOICI HUIT ANS, DE PARADISE NOW, HANY ABU-ASSAD SIGNE AVEC OMAR LE PORTRAIT D’UN JEUNE PALESTINIEN DE CISJORDANIE S’ENGAGEANT DANS LA LUTTE ARMÉE CONTRE L’OCCUPANT ISRAÉLIEN. AVEC PERTES ET FRACAS…

Hany Abu-Assad est un cinéaste des causes sensibles. Découvert il y a huit ans, son Paradise Now avait attisé le vent de la controverse, l’auteur y faisant le portrait de deux jeunes Palestiniens s’apprêtant à commettre un attentat-suicide, donnant au passage un visage humain aux apprentis terroristes.

Un Golden Globe, et une expérience américaine peu concluante (The Courier, avec Mickey Rourke) plus tard, le voilà de retour avec Omar, un film inscrit dans le quotidien des territoires occupés.

Au coeur du film, on trouve Omar, un jeune habitant de Cisjordanie qui, à force, s’est habitué à franchir chaque jour le mur le séparant désormais de la fille de ses rêves, Nadja. Et qui, poussé par le désespoir et les humiliations, et parce que « attendre, c’est prolonger l’occupation », va se lancer dans la lutte armée en compagnie de deux amis d’enfance, pour se voir aussitôt cueilli par l’armée israélienne, et être laissé à un choix cornélien, la prison ou la trahison.

« L’idée d’un film autour de la collaboration m’est venue à l’époque de Paradise Now, commence le réalisateur palestinien, rencontré à l’occasion du festival de Gand. J’avais l’impression qu’il y avait au sein de l’équipe un collaborateur qui donnait nos plans et des informations à l’armée israélienne. J’en ris aujourd’hui, mais à l’époque, je devenais complètement paranoïaque. J’allais jusqu’à dormir ailleurs que dans l’hôtel où j’étais enregistré, ce genre de choses. Plus tard, j’ai appris que l’un de mes amis avait été approché par les services secrets israéliens qui l’avaient menacé de dévoiler un secret à son sujet s’il refusait de collaborer. Quant à la fin du film, je l’ai lue dans un journal. Tous ces éléments m’ont semblé intéressants d’un point de vue dramatique, et m’ont donné l’élan pour tourner un film autour de la manière dont on fait de quelqu’un un collaborateur. »

Mourir pour des idées

L’intérêt de Omar tient notamment dans son articulation, le thème de la paranoïa y trouvant un écho dans la trame intime imaginée par le cinéaste. « En amour aussi, tout tourne autour de la confiance, souligne-t-il au sujet de cet effet-miroir. Si vous ne faites pas vraiment confiance à votre partenaire, chaque mouvement, chaque sourire, chaque SMS qu’il ou elle reçoit peut vous rendre complètement paranoïaque. D’où l’idée de combiner ces deux éléments. »

Partant, le film opère avec efficacité la jonction entre petite et grande Histoire, portant un regard aiguisé sur la question israélo-palestinienne et la réalité -tragique- des territoires occupés, traversés par ce mur « qui n’a pas été construit pour séparer la rive Ouest d’Israël, mais bien pour séparer les Palestiniens d’autres Palestiniens et rendre leur existence misérable (… ). Certains partent, comme moi. Mais la plupart restent. Et je suis à vrai dire surpris par l’acceptation palestinienne de l’injustice. Pour ma part, je veux me battre, à ma façon. »

A travers ses films, qu’il voit comme autant d’actes de résistance, et « en tirant de la beauté de la laideur », là où ses protagonistes privilégient pour leur part la lutte armée. « Je m’intéresse à des personnages d’exception. La majorité supporte la situation sans broncher, ce qui est déjà résister, mais je suis porté vers ceux qui décident de crier ou de se battre, des combattants de la liberté prêts à risquer quelque chose, même si cela ne correspond pas à mon existence. J’aurais aimé, par exemple, tourner un film sur Che Guevara si Steven Soderbergh ne l’avait pas déjà fait. Je suis convaincu qu’au moment de quitter Cuba, il savait qu’il allait échouer, et c’est intéressant: pouvoir donner sa vie pour ses idées, voilà un état d’esprit que je respecte. »

On ne s’étonnera guère, à vrai dire, que son cinéma engendre des appréciations diverses, ce dont il affirme être le premier à se réjouir:

« Je pense avoir réussi lorsque je sens que les gens ont des réactions divergentes face à mon film. Certaines personnes considèrent, par exemple, Omar comme fort sombre et totalement dénué d’espoir, mais les Palestiniens y voient au contraire de l’espoir. Notre attitude est dictée par notre expérience personnelle. » Lui, conséquent, se refuse à la résignation, qu’il s’agisse de la Palestine ou du devenir planétaire d’ailleurs. « L’espoir subsiste, sans quoi on ne pourrait continuer à vivre »

RENCONTRE Jean-François Pluijgers

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