Pierre Niney en alter ego de Michel Gondry: « J’étais hyper stressé à l’idée de jouer pour lui »

Véritable virtuose de l'humour, Pierre Niney est bien plus qu'un jeune premier taillé pour jouer les gendres idéaux. © partizan films
Nicolas Clément
Nicolas Clément Journaliste cinéma

Comme son personnage dans Le Livre des solutions de Michel Gondry, qui sort ces jours-ci dans les salles, Pierre Niney est un artiste aussi drôle qu’angoissé. Confidences sur le divan.

Sujette à maintes controverses, la troisième saison de LOL: qui rit, sort! sur Prime Video, émission au concept discutable et à l’intérêt très inégal, aura au moins prouvé une chose cette année: l’incroyable virtuosité comique de Pierre Niney. L’acteur français, aussi à l’aise en Yves Saint Laurent chez Jalil Lespert (2014) qu’aux côtés de Jean Dujardin dans OSS 117 (2021), fait plus que confirmer la chose aujourd’hui dans Le Livre des solutions de Michel Gondry. Il y est tout simplement hilarant en cinéaste chaotique et pourtant obsédé du contrôle qui s’enfuit avec son équipe à la campagne, dans un petit village des Cévennes, pour tenter désespérément de finir son film chez sa tante.

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Sur la scène de la Quinzaine des Cinéastes, ici à Cannes, en présentant Le Livre des solutions, vous avez rappelé qu’il y a onze ans, vous aviez demandé à Michel Gondry de devenir votre parrain de cinéma lors du dîner des Révélations des César. Aujourd’hui, vous jouez son alter ego à l’écran. Que représente son cinéma pour vous?

J’ai toujours été un énorme fan de son cinéma. Ce n’est peut-être pas très original à dire, mais un film comme Eternal Sunshine of the Spotless Mind, par exemple, m’a marqué de manière indélébile. J’aime sa poésie, sa mélancolie… C’est sans doute le meilleur rôle qui a jamais été offert à Jim Carrey, un acteur que j’admire beaucoup. Et puis, oui, la créativité déployée par Michel dans tous les clips musicaux qu’il a signés m’a toujours bluffé. C’est un vrai artisan, d’une imagination débordante. J’avais à peine 20 ans, et j’étais encore un parfait inconnu, quand, il y a onze ans, je lui ai en effet demandé de devenir mon parrain de cinéma. Je ne savais pas comment il allait réagir, ni même s’il allait simplement répondre à ma requête, et j’ai eu le bonheur de le voir accepter. Il est venu à ce dîner et c’était vraiment une super soirée. On a parlé de son travail avec Jim Carrey, avec Jack Black… J’étais aux anges. Mais si on m’avait dit ce soir-là que, onze ans plus tard, il allait m’appeler pour tenir le rôle principal d’un de ses films où il s’agirait de jouer une espèce de version fictive de lui-même, je ne l’aurais tout simplement pas cru.

Comment avez-vous abordé ce rôle?

Le personnage que je joue dans le film s’inspire donc largement d’une grosse période de crise que Michel a réellement traversée il y a une dizaine d’années. J’ai eu la chance de pouvoir échanger avec son assistante, Sabrina, qui était déjà présente à ses côtés quand il a connu ce très sévère burn-out. C’était une source d’informations très précieuse pour moi. Ça m’a permis de m’inspirer de choses bien réelles pour nourrir et étoffer mon personnage. Dans le même ordre d’idées, l’ex-femme de Michel, qui a travaillé comme créatrice de costumes sur Le Livre des solutions, m’a fourni énormément d’anecdotes en lien avec cette période de grosse dépression. Étonnamment, je ne me sentais pas trop sous pression. J’ai vite compris que Michel n’avait rien de figé en tête, et qu’il était surtout curieux de voir vers où on allait aller ensemble. Il s’agissait moins, au fond, de le jouer littéralement à l’écran que d’unir nos forces et nos idées pour créer quelque chose d’intéressant. Ceci étant, je n’en étais pas moins hyper stressé à l’idée de jouer pour lui. La nuit précédant le premier jour de tournage a été vraiment terrible…

Vous êtes assez stressé de nature?

Oui, la nuit avant le début d’un tournage, je n’arrive en général à dormir que deux ou trois heures maximum. Alors que moi j’en ai besoin de dix (sourire). C’est un peu comme la rentrée des classes à chaque fois. Je ressens un vide immense, je ne vois pas ce que je vais pouvoir apporter à travers mon jeu. Je me demande ce que je vais pouvoir faire avec mes mains, avec mon corps… Et puis, en général, une fois le premier jour passé, je réalise assez vite que je ne vais pas mourir, que ça ne va pas être la cata, qu’on va s’en sortir, et je me détends progressivement. Ma nervosité m’a tout de même joué de sales tours, je dois dire, il y a quelques années. C’est en partie pour ça que j’ai arrêté le théâtre, le trac me rongeait trop. Mais, aujourd’hui, j’ai vraiment le sentiment que les choses s’améliorent tout doucement avec l’expérience.

Niney aux côtés de Blanche Gardin sur le tournage du Livre des solutions.
Niney aux côtés de Blanche Gardin sur le tournage du Livre des solutions. © National

Vous devriez écrire votre propre livre des solutions…

Oui, j’y ai pensé (sourire). Je n’ai pas le génie créatif de Michel mais disons que, si je devais écrire ce livre, ma solution à la plupart des problèmes serait, je crois, de rester relax avant tout. Je passe littéralement mon temps, dans la vie, à essayer de me détendre, à tenter de ne pas me sentir exagérément impliqué. Bien sûr, s’agissant d’un film, l’implication est nécessaire, mais j’essaie constamment de dédramatiser, d’apprendre le lâcher-prise et de lutter contre cette espèce de dictature de la perfection qu’on peut parfois s’imposer. Le Livre des solutions parle justement de cette quête impossible de la perfection, mais c’est aussi un film qui traite, en sous-main, de la question de la santé mentale. Je trouve ça très courageux de la part de Michel, parce qu’à travers ce film, il se met en un sens vraiment à nu. Il montre sa fragilité et ses failles.

Michel Gondry dit d’ailleurs que, dans sa tête, ce film n’a pas vraiment été conçu comme une comédie…

Oui, et je pense que c’est pour ça qu’il est si drôle, d’ailleurs. Parce que le fond du film est tragique. C’est un objet vraiment très sincère. Faire un film réussi, pour un cinéaste, reste, je crois, quelque chose de terriblement compliqué. Il faut être un bon leader, un bon communicateur, un vrai psychologue, il faut être inspiré, flexible, ouvert, adaptable… Personne, vraiment, n’a la recette parfaite pour réaliser un grand film. Sauf Martin Scorsese, bien sûr.

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Qu’avez-vous découvert sur Michel Gondry et sur vous-même durant le tournage de ce film?

Michel est quelqu’un d’incroyablement original et singulier. Ensemble, on s’est découvert un amour commun et assez immodéré pour les jeux de mots pourris. Mais la chose qui nous passionnait le plus, tous les deux, durant ce tournage, c’est la question du timing dans la comédie. C’est vraiment quelque chose qui nous obsède. On a tous les deux une formation de musiciens, ça doit forcément, quelque part, être lié à ça. On a d’ailleurs monté un concert ensemble pour l’équipe sur le tournage du film. Il est formidable à la batterie (dans une autre vie, Michel Gondry était le batteur de l’irrésistible groupe français Oui Oui, NDLR) et moi je me débrouille à la guitare, c’était très rigolo.

À ce propos, vous jouez une scène particulièrement drôle face à Sting dans Le Livre des solutions

Oui, j’ai un peu passé mon temps à faire le fan sur ce tournage. D’abord avec Michel. Parce que, comme on tournait dans sa maison d’enfance dans les Cévennes, au milieu de tous ses dessins et d’un certain nombre d’objets très importants pour lui, je n’arrêtais pas de lui demander si je pouvais emporter des choses avec moi et je le tannais à chaque fois pour qu’il me les signe. Et puis idem avec Sting, je lui ai demandé de me signer une guitare après avoir chanté avec lui. Pour cette scène à ses côtés, j’ai pas mal improvisé, toujours dans cet esprit de chercher à trouver le bon timing dans la comédie. J’ai entendu que les gens riaient beaucoup à ce moment spécifique du film lors de la première, et ça m’a énormément fait plaisir. En vrai, quand Michel a traversé cette énorme dépression il y a quelques années, il a contacté Paul McCartney pour qu’il compose une musique pour lui. Donc cette rencontre assez improbable avec Sting dans le film, c’est en fait avec McCartney qu’elle s’est déroulée dans la réalité.

Vous avez vous-même dans les tuyaux un projet de réalisation: une comédie, qui s’appelle Sans rire. Qu’est-ce qui vous fascine tant dans la comédie et dans le rire?

J’aime tous les formats de comédie. Ça me passionne profondément. Je rêve d’ouvrir un jour un grand laboratoire du rire. Il y a quelque chose de l’ordre de la chimie, de la mécanique, dans le rire, c’est quelque chose, je crois, qu’on peut presque rapprocher des mathématiques. J’ai remisé, cela dit, ce projet de réalisation dans un tiroir pour le moment. Parce que j’ai un peu le sentiment que l’espace est saturé de propositions comiques et que j’ai peur que ce projet ne trouve pas vraiment sa place au milieu de tout ça. En fait, j’envisage toujours de réaliser un film prochainement, mais ce sera sans doute plutôt un drame. C’est purement stratégique, à vrai dire. Parce qu’en France, malheureusement, j’ai le sentiment que si vous commencez par une comédie, vous êtes d’emblée catalogué et mis dans une case. Commencer par un film dramatique ouvre, me semble-t-il, davantage de possibilités dans la foulée.

Il est aussi question de vous voir bientôt dans un film réalisé par Johnny Depp…

Oui, j’ai été approché par les producteurs d’Al Pacino pour un film sur Modigliani. C’est un très bon scénario sur une journée dans la vie de cet artiste iconique qui essaie désespérément de vendre ses peintures afin de subsister. Et, dans cette histoire, je suis censé jouer Maurice Utrillo, qui était un peintre français très tourmenté et un ami de Modigliani. C’est Johnny Depp qui doit réaliser, et Pacino est au casting, mais pour le moment je n’ai pas de scène avec lui, ce qui me frustre vraiment beaucoup (sourire). Même si, bien sûr, je serai amené à le croiser. Il va sans dire que je ne dormirai pas plus de 30 minutes la veille du premier jour de tournage.

Est-ce que l’idée de tenter une carrière internationale vous séduit?

J’aime la culture anglo-saxonne et la langue anglaise, donc, oui, bien sûr, l’idée me séduit beaucoup. J’ai tourné dans un film en anglais avec Antonio Banderas il y a quelques années. C’était une chouette expérience mais, à l’arrivée, le film n’était vraiment pas très bon. J’ai un agent américain désormais, mais ça reste difficile de trouver un projet intéressant à Hollywood quand vous êtes européen et que vous traînez forcément un solide accent. Ils ont déjà tout ce qu’il faut sur place. Néanmoins, j’y travaille. On verra bien.

Pour revenir à la question du timing dans la comédie, on vous a vu récemment en psy fantasque dans les séries parodiques La Flamme et Le Flambeau pour Jonathan Cohen, mais aussi bien sûr dans la saison 3 de LOL: qui rit, sort! sur Prime Video. Qu’avez-vous appris sur votre capacité à faire rire en participant à cette émission?

J’ai appris qu’en impro je suis capable de sortir de bonnes choses sous la pression. Mais en même temps, c’était facile de se lâcher et d’essayer des trucs. J’étais entouré d’amis très proches, comme Jonathan Cohen ou Géraldine Nakache, donc je ne me sentais pas vraiment jugé par de parfaits étrangers. Mais oui, j’aime beaucoup l’impro. On l’a pratiquée dès qu’on en avait l’occasion sur le tournage avec Michel. C’est un frisson vraiment très particulier.

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