Emkla ****

© National

La jeune fille qui hante littéralement les 160 pages de ce conte aussi moderne que cruel n’aura, sauf erreur et jusqu’au bout, pas de nom. Impossible de l’oublier pourtant. “Le monde semble si vaste… Pourtant ils ont peur de ce qui nous entoure… Partir c’est ce que je souhaite. Et revoir maman.” Elle habite à l’écart du monde, dans un petit village presque moyenâgeux qui vit sous le joug et la peur d’Emkla, la divinité locale aux règles et traditions plus qu’étouffantes, parfois incarnée dans un nuage d’étourneaux dont on ne sait s’il protège ou menace… Et voilà que soudain, la nature (ou Emkla?) se retourne contre les villageois. “Emkla a fait mourir nos cultures et nos bêtes, incendié la forêt, inondé nos terrains et a rendu fou nos animaux sacrés.” La jeune femme va donc faire le choix de tout quitter, de se confronter enfin à cette nature et à ces animaux qui la fascinent autant qu’ils la révulsent. Un retour à la nature brutal, violent, mortifère, dont on n’a pas encore saisi tous les tenants et aboutissants…

© National

Remarquable dans son graphisme, sa narration et sa tension permanente. Emkla brouille les pistes, à l’image de son autrice, Peggy Adam, passée par la France, le Canada et désormais la Suisse, et qui elle-même navigue depuis presque 20 ans entre expérimentations formelles et livres pour la jeunesse. Elle garde de ceux-ci le savoir-faire de la lisibilité, et de celles-là le goût des personnages et récits au final bien plus complexes, profonds et un peu freaks que ce que ce conte semblait promettre. Une rentrée en fanfare pour Atrabile, l’éditeur depuis toujours de Peggy Adam, qui tient peut-être ici, enfin, le récit le plus dense et accessible de ce secret genevois trop bien gardé.

De Peggy Adam, éditions Atrabile, 160 pages.

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