Eloi: « J’ai la base du gâteau, mais je me sens libre de varier le glaçage »

Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Sur son premier album, le rocambolesque Dernier orage, la Française Eloi carbure aux sensations fortes, entre électro intrépide et fougue rock cathartique. Rencontre avant son concert aux Nuits Bota.

Paris, janvier 2023. Programmée à l’Hyper Weekend, le festival de Radio France, Eloi est casée entre deux rappeurs. Le plan? Tracer tout droit, pied au plancher. La tactique est payante. Dans le studio 104, le public est encore dispersé, mais rapidement convaincu par l’énergie de la jeune femme. Même les quinquas, installés dans les gradins, sont debout. Parmi eux, une femme finit même par vouloir quitter sa rangée et rejoindre la fosse. « Excusez-moi, c’est ma fille sur scène… » Dans les mois qui suivent, on retrouve encore Eloi au Botanique, puis à Dour. Sans la famille, mais avec la même effervescence. Notamment quand elle balance Jtm de ouf, reprise déviante du tube teenager de Wejdene, lacérée de claviers trance chelou.

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Un an plus tard, Eloi est devenue celle « que tout le monde écoutera en 2024 » (Vogue), « la chanteuse préférée du monde d’après » (Canal+). Après deux premiers EP (Acedia et Pyrale), elle a sorti son premier album, 
Dernier orage, en novembre. Une quinzaine de morceaux, balancés en un peu moins de 50 minutes. Et autant de décharges synthétiques traversées par 
l’urgence, celle d’une jeune femme, pas encore tout à fait remise du tourbillon de l’adolescence.

Le 27 avril prochain, la Parisienne sera de retour aux Nuits Bota. Plus au Musée cette fois, mais bien dans l’Orangerie. Elle jouera juste avant l’Anglaise Hannah Diamond, l’une des stars de ce que l’on a baptisé l’hyperpop, cette version électronique et « extrême » de la pop. Un courant auquel Eloi a été régulièrement rattachée. « J’ai laissé dire, mais je n’ai jamais trop compris. Pour moi, l’hyperpop, c’est ce que représente un label anglais comme PC Music (aujourd’hui dissout, NDLR), avec un son précis, des voix très travaillées. Alors que je fonctionne de manière plus bricolée, DIY, un peu plus crade, avec des influences plus larges. » En utilisant aussi moins souvent l’ironie post-moderne typique du genre. Mais en partageant quand même une certaine « intensité »? Celle d’une génération (Z), prise entre frénésie des réseaux et récits collapsologiques, entre fin d’un ancien monde et faim d’un nouveau.

À moins que l’explication de cette « fièvre » ne soit plus simplement familiale… « On a toujours écouté plein de choses différentes chez moi. Mais c’est vrai que tout ce qui tient à cette sensibilité un peu emo vient probablement de ma grand-mère et de sa passion pour la musique classique. C’est elle qui m’a initiée au piano. J’ai aussi un grand-père qui était chanteur d’opéra. Donc à nouveau, ce lien au pathos, aux grands sentiments, etc. Chez ma grand-mère, son rapport au piano et à la musique est très obsessionnel. Je me souviens que ça touchait des choses intérieures très fortes pour elle. J’imagine que ça a dû infuser… » (sourire)

La fureur de vivre d’Eloi

26 ans en août, Eloi est passée par les Arts Déco et les Beaux-Arts. Outillée donc pour réfléchir son projet de manière globale, mais sans jamais glisser dans le concept ou la pose vaporeuse. « Dans l’absolu, j’aime bien tout ce truc de cultiver le mystère par exemple, mais je n’arrive pas à le faire », rigole-t-elle. Fille d’une productrice et d’un auteur-compositeur, Eloi est Eloïse (Leau) dans la vraie vie. Un diminutif qui est donc aussi un alias, « que je peux à la fois endosser tout en mettant de la distance ». « Et puis c’est aussi un pseudo, qui est un peu désincarné. Comme je m’amuse à être assez fluide dans ce que je présente, et ce que je veux faire, ça semblait adapté. »


Ado, à l’internat, il y a d’abord le rap -« l’un des premiers sons dont je me suis vraiment emparée, c’est par exemple Dans la sono de Beat de Boul« – et puis l’électronique. Avec, comme chemin le plus court entre les deux, des groupes comme Odezenne ou Sexy Sushi. « Quand j’ai découvert que c’était possible de faire ça, j’ai poncé un logiciel comme Garageband. » À 16 ans, elle forme un premier duo, Criskat Palace, « avec mon meilleur ami », Léo Peyront.

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Le projet s’arrête après deux ans. Mais l’amitié, elle, perdure toujours. « Je garde toujours Léo à l’arrière », assure ainsi Eloi, sur Volcan, le titre qui ouvre Dernier orage. Un album à la fougue assez ébouriffante, reflet d’une adolescence agitée, noyée dans des errances autodestructrices et des fêtes éthyliques. « À l’époque, la fête était moins une manière de célébrer que de fuir la réalité. Je traînais avec des gens qui avaient un rythme très effréné. Ça devenait parfois problématique. J’ai fini par changer d’école, puis le Covid est arrivé. J’ai totalement changé d’environnement. Au même moment, j’ai aussi rencontré ma copine actuelle, mon projet a commencé à se développer… »


En racontant cette période chaotique, Dernier orage est donc moins une carte de visite qu’une sorte de « prequel ». « Fallait que je passe par là. Même si ça ne donne pas forcément un premier album complètement cohérent. On m’a même déconseillé de procéder comme ça. Mais pour moi, c’est pas très grave, je vais quand même en faire d’autres » (rires). Sur ce premier essai, elle mélange donc frénésie gabber et voix saturées, électro emo et accents cold wave. Le tout parsemé des riffs de sa pote/guitar héroïne Mia Mongiello, aka Choribaby.

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En concert, Stetson sur la tête, Eloi empoigne d’ailleurs souvent elle-même la telecaster. « C’est Mia qui m’a poussée à essayer. Je ne suis pas du tout une grande guitariste, mais j’adore ce que l’instrument m’apporte sur scène, le pouvoir qu’il me donne. » Quitte à brouiller toujours plus l’image d’une musique qui déboule en torrent, carburant davantage à un certain type d’énergie qu’à un genre en particulier. « Je sais ce qui, dans l’écriture et les mélodies, me fait du bien et me touche. À ce niveau-là, c’est assez cohérent. Mais pour le reste, j’ai encore envie d’expérimenter. Disons que j’ai la base du gâteau, mais je me laisse la liberté de varier le glaçage. »
Eloi, Dernier orage, distr. Novembre Eternel. 
En concert le 27/04 aux Nuits Bota et le 28/07 
à Esperanzah!

© Olivia Schenker

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