[Critique théâtre] Monologue horizonal

Toute ma vie j'ai fait des choses que je savais pas faire © Simon Gosselin
Estelle Spoto
Estelle Spoto Journaliste

Rivée au sol, Juliette Plumecocq-Mech retrace dans Toute ma vie j’ai fait des choses que je savais pas faire les quelques instants qui ont précédé un meurtre, une agression homophobe qui a mal tourné. Un ensorcelant tourbillon issu de la plume de Rémi De Vos. À voir au 140.

Au sol il y a le contour d’un corps. Celui d’un cadavre, comme on en voit dans les séries policières. Donc dès le départ, on le sait, un meurtre a eu lieu. Seule en scène, Juliette Plumecocq-Mech va remonter le fil et tenter d’expliquer ce qu’il s’est passé depuis qu’il/elle s’est fait agresser verbalement dans un bar par un homme, manifestement homophobe (« les mecs dans ton genre, j’ai jamais pu les blairer »), alors qu’il/elle buvait tranquillement une bière, « sans rien demander à personne ». Premier coup de force de ce monologue de 45 minutes: il esquive la question de l’apparence physique de cette victime, et tous les clichés sur les homosexuels qui en auraient découlé, en laissant une femme, au look androgyne, incarner le personnage. Et quelle incarnation! La comédienne bordelaise, qui fut membre du fameux Théâtre du Soleil d’Ariane Mnouchkine, interprète ce texte écrit spécialement à son intention par le prolifique et toujours mordant Rémi De Vos (Alpenstock, Trois ruptures, Occident, le récent Botala Mindele) à l’horizontale -second coup de force- dans un décor -dépouillé, une chaise, un écran de lumière et ce tracé de corps au sol- qui l’est tout autant. Couchée quasiment en permanence, dans la posture d’un chien soumis ou d’un foetus recroquevillé. Une option radicale du metteur en scène Christophe Rauck, qui a sans doute aidé ce spectacle à se faire joliment remarquer dans le Off du Festival d’Avignon en 2016.

Et puis il y a la langue, toute en circonvolutions et en répétitions, de Rémi De Vos. « Une écriture assez haletante, quelqu’un qui raconte tout ce qui lui passe par la tête pour empêcher la foule qui le suit de le frapper », selon les propres mots de l’auteur, qui déclare aussi que, pour lui, « le sens est secondaire par rapport au phonétique ». Un tourbillon dans lequel on se laisse immédiatement prendre, happés par le regard magnétique de Juliette Plumecocq-Mech, jusqu’au coup de théâtre final. Simple, mais diablement efficace.

Toute ma vie j’ai fait des choses que je savais pas faire: du 20 au 23 février au Théâtre 140 à Bruxelles, www.le140.be

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