La grand-messe Black Sabbath au Graspop

Ozzy Osbourne, mamie casse-cou. © EPA/Balazs Mohai
Kevin Dochain
Kevin Dochain Journaliste focusvif.be

Papys ou pas? Vendredi au Graspop, Black Sabbath a mis une branlée à tous les groupes qui couraient derrière leurs riffs. Ultime rendez-vous, rendez-vous ultime.

Toute grosse madeleine de Proust en perspective. Le groupe de Birmingham, si on le classe parmi nos références ultimes depuis tout gamin, on l’avait systématiquement manqué quand il a mis les pieds chez nous récemment. Ici, la tournée étant annoncée comme la toute dernière ever, il n’était plus question de passer à côté. Rendez-vous aura donc vite été pris au Graspop Metal Meeting ce vendredi.

On aurait voulu arriver sur le site du festival en temps et en heure pour Bad Religion, histoire d’en profiter sans être à moitié dans les pommes: la dernière fois qu’on avait vu le gang du docteur en zoologie (!) Greg Graffin, il y a dix ans à l’Ancienne Belgique, un petit marrant avait tenté un slam depuis le balcon pour atterrir sur nous. Notre crâne s’en souvient encore. Mais bref: faute à la boue et à la file engendrée par les détecteurs de métaux à l’entrée, on n’arrivera sur le site que pour profiter d’une petite fin du set metalcore de Heaven Shall Burn.

La vraie entrée en matière pour nous sera donc fournie par les revenants de Foreigner. Tournée des 40 ans en forme de best-of Classic 21 à base de Urgent et autres I Want to Know What Love Is. Ringard à souhait, mais vrai bol d’air au milieu d’une journée à base de doubles grosses caisses et de riffs ultra speedés. On remettra la palme du meilleurs discours sur scène au chanteur, sosie bogoss (…) de Steven Tyler: « oh, il commence à pleuvoir, mais je parie qu’il y en a qui sont mouillées pour d’autres raisons! » Tu parles d’un sommet de beaufitude…

Viendra ensuite le tour de Disturbed, qui ne sont à nos oreilles qu’une version nu-metal de Phil Collins, excusez-nous. Qui font certes lever 10.000 poings dans les airs avec conviction, mais qui n’hésitent pas à massacrer de clichés le Sound of Silence de Simon & Garfunkel (ben oui, il leur fallait bien leur Behind Blue Eyes à eux…). On se réfugiera alors sous la Marquee pour s’en prendre plein la gueule avec le black metal salvateur de Dark Funeral. Un peu plus tard, il ne faudra pas longtemps pour se rendre compte que Dave Mustaine a bien morflé avec l’âge et que Megadeth restera à jamais un wannabe-Metallica du pauvre. Un petit détour aussi par le concert d’Apocalyptica qu’il est toujours amusant de voir dézinguer du Refuse/Resist ou du Master of Puppets à base de violoncelles dopés aux hormones. Leur bonne idée aura été d’avoir embauché un chanteur à mi-temps pour donner un peu d’air au set.

Respect total par contre pour les vikings suédois d’Amon Amarth. Outre qu’ils assument les clichés à la Spinal Tap sans une once d’hésitation (dragons de 4 mètres de haut sur scène, pyrotechnie en-veux-tu-en-voilà, marteau de Thor, cornes en guise de gobelets…), les mecs envoient surtout du lourd, du solidement couillu. Sans hésiter, le plus gros headbanger de la journée.

Mais c’est donc Black Sabbath qu’on venait voir avant toute chose. Et si une petite crainte d’être déçu par cette tournée de la dernière chance subsistait, elle été balayée dès le premier riff balancé par Tony Iommi, à savoir celui de l’éponyme Black Sabbath et son accord du diable, ce diabolus in musica qui était interdit par l’Église à l’ère baroque. Durant une heure et demie, Ozzy Osbourne, Tony Iommi, Geezer Butler, et Tommy Clufetos remplaçant Bill Ward au pied levé, puiseront avec nostalgie dans la meilleure période discographique du groupe, à savoir ses cinq premiers albums sortis entre 1970 et 1973. Avec sa setlist sans faute de goût, mise à part peut-être la petite incursion dans Technical Ecstasy, le concert décollera vraiment avec Into the Void et son riff gras au possible, sublimé par le traitement vidéo, psychédélique à souhait, des images retransmises sur écran ultra-géant en fond de scène.

Ozzy, même s’il a toujours l’air d’une grand-mère sénile, joue carrément bien son rôle d’entertainer même s’il nous fera une frayeur à quitter la scène après une heure de set (« Taking a break guys, see you in a minute. »), rejoint ensuite par ses comparses qui laisseront le pauvre Clufetos meubler avec un solo de batterie un peu chiant (mais n’est-ce pas toujours le cas?). Qu’à cela ne tienne, une poignée de minutes plus tard, les parrains du métal reprennent les hostilités avec un Iron Man mémorable, ode à la guitare down tunée de Tony Iommi qui rappelle qu’avec ses deux bouts de doigts manquants, il aura dû inventer une technique de jeu qui inspirera des générations et des générations de groupes plus ou moins métal.

Si la tournée The End pouvait avoir des airs d’ultime possibilité de renflouer les caisses avant que le cancer d’Iommi ne soit trop grave pour qu’il puisse encore jouer (il avait d’ailleurs annulé la tournée l’an dernier pour les mêmes raisons médicales), une sorte d’énergie du désespoir et de la dernière chance a semblé animer les trois membres du groupe originel, prêts à en découdre pour de bon une dernière fois. Venant du meilleur groupe à riffs de tous les temps, on n’a pas grand-chose de plus à réclamer…

SETLIST: Black Sabbath / Fairies Wear Boots / After Forever / Into the Void / Snow Blind / War Pigs / Behind the Wall of Sleep / N.I.B. / Hand of Doom / Rat Salad / Iron Man / Dirty Women / Children of the Grave // Paranoid

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