Serge Coosemans

Encore une bonne petite autocélébration de l’approximation…

Serge Coosemans Chroniqueur

Dimanche après-midi, notre chroniqueur buvait du jus d’orange à la Disco Kids de Recyclart. Il a beau avoir trouvé l’ambiance de la discothèque pour enfants cromignon, ça ne l’a pas empêché de ronchonner. Sortie de Route, S02E25.

Recyclart, dimanche 10 mars 2013, 16h25. Je bois du jus d’orange et je suis presque gêné de penser qu’une discothèque pour enfants entre 2 et 10 ans, ça radine surtout de la MILF au kilo. L’ambiance de cet après-midi Disco Kids est cute, chou, cromignon. Le décor, généralement brut de décoffrage de l’ancienne gare, est pour une fois enchanteur. Il y a des modules, des plumes, des films super 8 projetés sur un mur, des ateliers de maquillages, des gens déguisés en ours. Les djs ont des oreilles de tigres sur la tête et passent une musique assez étrange, qui m’est totalement inconnue, plutôt folle. C’est blindé de gosses, des tas de petits humains qui m’arrivent aux hanches, voire aux genoux, et n’arrêtent pas de me foncer dessus comme des missiles dont le guidage directionnel déconnerait, pour me cogner, parfois violemment. Cela ne réveille pas mon côté Bad Santa, pour le coup entièrement tourné vers le scannage des mères de ces petits monstres. Bien que plus bruyant qu’un Trône de Saint-Nicolas sous ecstasy, c’est agréable, les vieux sont tous très détendus et les gamins tous très survoltés. Commence un concert du Club des Chats, flûte et batterie, et là, ça devient franchement cacophonique.  » – Putain, c’est des enfants, pas des demeurés. Tape leur du Jay Z « . On sauve notre gueule de bois en allant lui faire prendre l’air froid qui sent la crêpe.

L’occasion d’être père ne m’a jamais été présentée. Un enfant, cela fait partie des choses que je ferais bien sans que cela ne presse ou soit même primordial. D’abord me cuiter à Vegas et essayer la cuisine moléculaire. Tout cela pour dire que je n’ai pas la moindre idée de ce qu’attendent les enfants, c’est une tribu que je connais mal. Je n’ai pas non plus la moindre idée de ce que moi, en tant que père, j’attendrais pour mes enfants au moment de leur choisir une activité culturelle. A priori, comme ces petits connards verront sans doute le XXIIème siècle, j’aurais plutôt tendance à vouloir les habituer dès le plus jeune âge à parler chinois et arabe, se battre à la tronçonneuse et fabriquer son propre carburant avec des produits de droguerie mais who knows. Peut-être que le jour où j’aurai moi aussi un enfant à sortir le dimanche après-midi, je serai en fait très content de lui faire peinturlurer la frimousse en félin et de lui briser les oreilles devant des concerts de gens qui essayent de jouer plus mal qu’une classe d’apprentissage à la musique. En attendant, en tant qu’adulte ronchonneur, j’ai surtout l’impression que la plupart des vieux présents fantasmaient bien davantage leur propre idée de l’enfance, insouciante et bordélique, qu’ils n’étaient à l’écoute de l’imaginaire réel des gosses.

Quand j’étais gamin, j’étais persuadé qu’avant Hiroshima et Nagasaki, le Japon était attaché au continent et qu’il était devenu une île morcelé par les bombardements atomiques. A la télé, il y avait ces dessins animés complètement traumatisants avec le cochon amoureux de l’araignée et le bonhomme de neige qui part en vacances au soleil et se met à fondre. J’étais dingue du générique d’Amicalement Vôtre. Le clip Super Nature de Cerrone avec les hommes chiens me faisait peur et celui de Jean-Michel Jarre avec les pingouins me donnait l’impression d’entendre la musique de quand je serais grand, ce qui était au fond assez bien tapé. J’étais amoureux de Félicia dans Goldorak, une fille sexy mais tourmentée, à problèmes. C’était également assez prémonitoire. J’adorais les Luna-Parks, la poubelle qui disait  » papieren  » au Meli, les films de Godzilla projetés dans les tea-rooms de La Panne.

Cet imaginaire est ce qu’il est et je suppose que la plupart des enfants actuels ont un monde intérieur assez équivalent à cela, plus bizarre et moins naïf que ne le veulent les pédagogues, en fait de nature à vraiment faire pétocher les parents. Il serait fascinant de monter des évènements pour enfants qui tiennent compte de cela. Aborder le gosse comme quelqu’un qui a des choses à vous apprendre, comme un chef de tribu à la sagesse exotique, et non pas, sous couvert d’éveil aux sens et à une culture différente du mainstream, de juste bourrer de chair fraîche le moule qui fabrique les bobos. Comme trop souvent à Bruxelles, surtout à Recyclart, il y a ce côté Zinneke Parade crispant,  » vite fait mal fait « , plat et pas cher, encore une bonne petite autocélébration de l’approximation… On appauvrit un imaginaire riche dans le papier crépon, on lui préfère une certaine norme à son étrange saveur. Rien n’avance, ni ne recule et les vioques n’ont pas trop l’impression d’approcher la mort. Voilà. Ronchon et content de l’être, j’ai aussi décidé que s’il n’est ni messie de réseau social, ni révolutionnaire de bistrots, mon enfant restera là où il est actuellement. Bonne nuit Plume Plume, bonne nuit Bonnomet.

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