Max de radiguès

AVEC LA CIRE MODERNE, LE BRUXELLOIS MAX DE RADIGUÈS MET POUR LA PREMIÈRE FOIS EN DESSIN LE SCÉNARIO D’UN AUTRE. ET RAJOUTE UNE CORDE, SENSIBLE, À SON ARC DÉJÀ BIEN FOURNI. IL EST LIBRE, MAX.

Lorsqu’on se rencontre pour la promo de son dernier livre, Max de Radiguès nous rappelle de lui-même qu’il s’agit ici d’une première fois le concernant: s’il s’est fait connaître et apprécier d’abord via le monde des fanzines et des oeuvres collectives, il y a maintenant plus de dix ans, il n’avait jusqu’ici jamais mis en dessin le scénario d’un autre. « C’est Casterman qui nous a mis en contact, Vincent (Cuvellier, fameux auteur jeunesse, dont La Cire moderne est la première BD ado-adulte, NDLR) et moi. J’avais déjà été contacté à plusieurs reprises par des éditeurs pour travailler sur des scénarios, mais j’ai un peu l’étiquette « BD adolescente » et généralement, on me propose donc des histoires avec des ados, pas toujours bien écrites, et sur des sujets que je pourrais traiter moi-même, je ne vois donc pas l’intérêt. Mais ici, si c’est assez proche de ce que je peux faire moi-même dans la manière de raconter, c’est un sujet sur lequel je n’aurais jamais pu écrire; je ne suis pas baptisé, je ne suis pas croyant, ma réflexion autour de la religion s’arrêtait jusqu’ici à « ça ne m’intéresse pas ». Mais quitte à bosser un an sur quelque chose, autant choisir quelque chose qui ne me ressemble pas. »

Dans La Cire moderne, un jeune homme pas encore tout à fait adulte et grand amateur de pétards se voit remettre un héritage inattendu: une fabrique de cierges, et tout le stock qui va avec. Manu prend alors la route avec sa compagne Sam et son jeune frère pour aller, de curés en curés, se faire un peu d’argent, mais aussi, l’air de rien, s’ouvrir à la spiritualité et à une certaine profondeur. Un road-movie illuminé, entre conversion et passage à l’âge adulte, qui ne pouvait en réalité que parler à Max de Radiguès: « Je vois bien les réactions depuis que le livre est sorti, explique Max, mais moi, je ne l’ai pas lu comme un livre sur la religion ou la conversion. C’est d’abord une comédie de moeurs, assez burlesque, sur quelqu’un d’un peu paumé dans sa tête, dans une période charnière, un personnage déjà adulte mais pas tout à fait dans sa tête. Et ça, ça correspond bien aux univers qui sont les miens. Et je m’appuie énormément, comme Vincent, sur les personnages, leurs dialogues, leur relation, leurs silences. J’ai vite compris et visualisé que c’était un scénario que je ne devrais pas me réapproprier, que je pourrais m’appuyer sur son histoire comme sur une canne, en me concentrant sur l’exécution technique, loin de mes habituelles angoisses d’auteur. »

Vincent Cuvellier précise: « Je ne sais pas si la religion est le dernier sujet vraiment tabou, ce que je sais, c’est qu’il n’y avait jusqu’ici que deux manières d’en parler: soit comme les Guignols ou Charlie Hebdo, en sodomisant le pape, soit à la manière de Fleurus ou des biographies du Père de Foucauld, en étant dans un prosélytisme très vieillot. Nous, on voulait juste réaliser un livre « normal », qui parle de religion comme d’un autre sujet. Je trouve ça dingue qu’on laisse un tel sujet aux excités ou aux réacs. Et là, je savais que le dessin de Max pouvait faire des merveilles. Il a trouvé tout de suite ce fil, très fin, entre un dessin qui ne s’impose pas et des dialogues qu’il s’agit de faire vivre. Un dessin simple, quand il est bien amené, c’est vraiment merveilleux. J’ai peu d’empathie pour les virtuoses. »

Auteur complet

La Cire moderne marque en tout cas une étape importante -une de plus- dans une jeune carrière qui n’en manquait déjà pas: sorti de Saint-Luc Bruxelles en 2004, Max de Radiguès a d’ores et déjà tâté, à 34 ans, d’à peu près tous les métiers de la BD; auteur de fanzine puis libraire chez Tropismes, Max a naturellement et rapidement rejoint la structure de L’Employé du Moi, l’éditeur bruxellois, indé et pointu, spécialisé dans les récits personnels voire autobiographiques, dont il est devenu aujourd’hui l’un des éditeurs et des chevilles ouvrières, en compagnie de Sacha Goerg ou Stéphane Noël. Il multiplie, depuis, les albums très personnels, où son dessin effectivement simple et épuré, proche des comics indés ou d’un Guy Delisle (« Schenzhen reste une de mes grandes lectures de jeunesse« ), fait merveille, tout en restant fidèle à une approche expérimentale -ainsi L’Âge dur dont il publia d’abord les récits sous forme de fanzines distribués gratuitement aux amis, ou son Pendant ce temps à White River Junction, qui revient sur l’année qu’il passa en 2009 dans le Vermont, au prestigieux Center for Cartoon Studies, mais dont il tira d’abord des strips, publiés chaque semaine dans votre Focus.

Aujourd’hui, Max continue évidemment de publier à L’Employé du Moi mais aussi chez Sarbacane, Six Pieds sous terre et désormais Casterman Écritures, « une collection qui a accueilli beaucoup de livres importants dans mon parcours de lecteur, mais pas seulement. Aujourd’hui, c’est un peu comme si je bouclais une boucle: c’est précisément chez Casterman Écritures que j’ai publié, en 2006, mon premier récit court et « professionnel », dans un de leurs rares livres collectifs. » Dix ans plus tard, Max de Radiguès a peut-être bouclé une boucle, mais se prépare à en entamer bien d’autres.

LA CIRE MODERNE, DE MAX DE RADIGUÈS ET VINCENT CUVELLIER, ÉDITIONS CASTERMAN, 160 PAGES.

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TEXTE Olivier Van Vaerenbergh

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