Cinéma vérité

Bernadette (2008) © © DUNCAN CAMPBELL
Michel Verlinden
Michel Verlinden Journaliste

Depuis qu’il est à la tête du Wiels, Dirk Snauwaert signe une programmation audacieuse qui refuse de s’aligner sur les formats en cours. Courageusement, il dessine les contours d’une « petite histoire de l’art » propre à ce lieu favorisant la diffusion de l’art contemporain. Outre l’excellente exposition dédiée à Sven ‘t Jolle, artiste belge à peine représenté dans son propre pays, Snauwaert a eu la bonne idée de faire place au travail de l’artiste vidéaste irlandais, basé à Glasgow, Duncan Campbell. Prix Turner 2014, l’homme s’est taillé une réputation en airain pour son oeuvre exigeante. Pétri des démarches d’un Chris Marker, d’un Harun Farocki ou d’un Pier Paolo Pasolini, Campbell se sert de matériel d’archives pour approcher la difficile notion de « vérité ». Mais l’influence la plus marquante est sans doute celle de Samuel Beckett, compatriote dont il connaît l’oeuvre jusque dans le moindre recoin. Comme l’auteur de Fin de partie, Duncan Campbell s’est mis en quête de proposer une forme « non naturaliste, non illusionniste, non industrielle qui donne au cinéma la chance de devenir autre chose qu’un divertissement commercial et réaliste« .

Trois oeuvres témoignent de cette démarche rétive à dérouler une histoire: It for Others (2013), Bernadette (2008) et o Joan, no… (2006). Ardue, la première proposition, à laquelle l’intéressé doit son Turner, fait référence directe aux pièces réalisées pour la télévision par Beckett. Ce poème visuel s’attache à déconstruire la manière dont la valeur est attribuée aux images. Passionnante, la deuxième oeuvre a des allures de « found footage » démontant les rouages de la spectacularisation de la figure de Bernadette Devlin, sorte d’Angela Davis de la cause catholique en Irlande du Nord. Enfin, o Joan no… est un court métrage expérimental tenant à la fois du film d’animation non analogique et de la pièce radiophonique. On soulignera l’impeccable intégration physique de ces langages dans l’espace muséal.

DUNCAN CAMPBELL, JUSQU’AU 26/03. WWW.WIELS.ORG

Michel Verlinden

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