Critique

[Le film de la semaine] Phantom Thread, de Paul Thomas Anderson

Phantom Thread © DR
Jean-François Pluijgers
Jean-François Pluijgers Journaliste cinéma

DRAME | Phantom Thread, romance gothique dans le milieu de la mode, marquant le retrait du grand Daniel Day-Lewis.

Phantom Thread consacre, dix ans après There Will Be Blood, les retrouvailles entre Paul Thomas Anderson et Daniel Day-Lewis, pour ce qui est d’ailleurs annoncé comme le dernier film de l’acteur britannique. Le contexte, toutefois, ne pourrait être plus différent, à la sauvagerie de l’Ouest américain livré, à l’aube du XXe siècle, à l’avidité de prospecteurs, répondant aujourd’hui les intérieurs cossus du Londres des années 50. C’est dans ce cadre que l’on retrouve Reynolds Woodcock (Daniel Day-Lewis), couturier dirigeant avec sa soeur Cyril (Lesley Manville) une maison dont la réputation a dépassé les frontières, familles royales, riches héritières et stars du cinéma y défilant en un incessant tourbillon. Mais si toutes s’accordent à saluer le génie d’un créateur au sommet de son art, l’homme n’a rien de commode pour autant. Et son tempérament, méticuleux jusqu’à l’obsession, combiné à une raideur pavée de routines, fait que s’il vit entouré de femmes, dont certaines lui tiennent lieu de muses ou compagnes, aucune, jamais, ne s’incruste, sa condition de célibataire endurci semblant du reste flatter le misanthrope sommeillant en lui. Moment où l’imprévu s’invite dans son existence sous les traits d’Alma (Vicky Krieps), jeune serveuse d’origine est-européenne rencontrée lors d’un séjour à la campagne. Et qui, à l’inverse de celles l’ayant précédée, va refuser de se plier aux règles immuables de la maison Woodcock…

Romance gothique revisitée

[Le film de la semaine] Phantom Thread, de Paul Thomas Anderson
© DR

Paul Thomas Anderson explique avoir envisagé Phantom Thread comme une variation sur la romance gothique telle qu’elle florissait sur les écrans dans les années 40, citant en particulier le Rebecca d’Alfred Hitchcock. Il y a bien sûr de cela dans ce film qui, respectueux des règles du genre, adopte bientôt le point de vue de son personnage féminin s’engageant dans l’inconnu d’une relation dont les contours sont chargés d’ambiguïté et de mystère. Matière trouble et féconde que vient enrober la musique de Jonny Greenwood, et dont PTA tire un parti magistral, glissant d’une tonalité à l’autre au gré de l’humeur des sentiments dans un mouvement d’ensemble à la fluidité et l’élégance tout « ophulsiennes ».

Et manière aussi de raccrocher ce qui est beaucoup mieux qu’un exercice de style inspiré à son univers, Reynolds Woodcock s’inscrivant dans la lignée obsessionnelle des Daniel Plainview de There Will Be Blood et autre Doc Sportello dans Inherent Vice. Cela, alors même que la relation l’unissant à Alma n’est pas sans rappeler celle, toxique et vénéneuse, qui enchaînait Lancaster Dodd et Freddie Quell dans The Master -dont Phantom Thread retrouve d’ailleurs l’atmosphère étouffante sinon claustrophobe, parmi d’autres fantômes. Dirigée de main de maître par un réalisateur virtuose, il y a là une partition grinçante mais sans fausse note, exécutée à la perfection par Daniel Day-Lewis, étincelant, et Vicky Krieps, impénétrable, Lesley Manville complétant ce triangle en portant sur leurs échanges un regard à la causticité millimétrée. Ce qui s’appelle de la haute couture…

De Paul Thomas Anderson. Avec Daniel Day-Lewis, Vicky Krieps, Lesley Manville. 2h10. Sortie: 14/02. *****

>> Lire aussi notre interview de Paul Thomas Anderson et notre portrait de Daniel Day-Lewis.

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