David Bowie au cinéma, acteur au charisme magnétique

David Bowie dans The Man Who Fell to Earth de Nicolas Roeg © DR
Jean-François Pluijgers
Jean-François Pluijgers Journaliste cinéma

De The Man Who Fell to Earth, de Nicolas Roeg, à The Prestige, de Christopher Nolan, David Bowie a su imposer, à pas comptés, une présence énigmatique autant que magnétique à l’écran.

Entre la scène et l’écran, le pouvoir d’attraction tient de l’euphémisme, qui a vu diverses rock stars délaisser un temps les micros pour se produire devant des caméras (et vice versa, d’ailleurs). Voir, par exemple, Elvis ou les Beatles surfant sur la vague du succès pour enchaîner des films dont l’objet premier resterait de placer un maximum de leurs chansons (ce qui n’enlève rien au demeurant aux mérites des A Hard Day’s Night ou autre Help! que Richard Lester allait tourner avec les seconds). Ou les Mick Jagger, Sting ou autre Madonna embrassant une carrière cinématographique avec une ambition rapidement mise à mal par des compositions tout ce qu’il y a de plus oubliables…

Le cas Bowie est sensiblement différent, qui avait suivi, à ses débuts, une formation de mime auprès de Lindsay Kemp. Et qui a su imposer, dès 1976 et The Man Who Fell to Earth, son premier long métrage (compte non tenu de Ziggy Stardust and the Spiders from Mars, le légendaire documentaire de D.A. Pennebaker tourné trois ans plus tôt), une présence singulière autant qu’énigmatique, inscrite dans un physique androgyne et un regard désarmant, et traduite éloquemment par le titre français du film, L’homme qui venait d’ailleurs.

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Le film de Nicolas Roeg, où il campe un extra-terrestre débarqué, incognito et incompris, dans un bled américain, avant de bâtir un empire industriel avec une facilité déconcertante, entreprise en dissimulant une autre, tient ainsi de la matrice du parcours à suivre, décliné tout en étrangeté. Est-ce parce que les deux films partagent le même scénariste, Paul Mayersberg (qui recourt par ailleurs à l’artifice identique des balles à blanc dans deux scènes également saisissantes)? On retrouve un motif voisin dans Merry Christmas, Mr Lawrence (Furyo, dans son titre d’exploitation français), de Nagisa Oshima (1983), où l’arrivée d’un nouveau détenu dans un camp de prisonniers de guerre dirigé d’une main de fer par les géôliers japonais (interprétés par Ryûichi Sakamoto, autre star musicale, et Takeshi Kitano) vient malmener l’ordre établi, traduisant une opposition culturelle séculaire, en même temps que s’y propage une onde touchant aux sens autant qu’à l’esprit. Soit une oeuvre électrique, à l’instar du trouble que ne manque pas de projeter le Thin White Duke à chacune de ses apparitions -voir encore le Gigolo du Berlin des années 20 qu’il incarnait face à Marlene Dietrich dans le film de David Hemmings, en 1978.

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Beau oui, comme Bowie

Isabelle Adjani chantera, sous les auspices de Gainsbourg, Beau oui comme Bowie; mais c’est aux côtés de Catherine Deneuve qu’on le retrouve dans The Hunger (1983) (Les Prédateurs), où Tony Scott ravive le mythe des vampires en mode clinquant/clip. L’ouverture en est symptomatique, qui voit le couple s’inviter à un concert de Bauhaus, en quête de sang frais au son de Bela Lugosi’s Dead, pour ce qui reste une scène inoubliable, prélude à une intrigue funèbre, où le vampire violoncelliste que joue l’acteur connaît un affolant vieillissement accéléré. Mais si le film balaie un territoire troublant, entre désir d’éternité et promesse de désespoir, il souffre, à 30 ans de distance, de son esthétique MTV. Curieusement, David Bowie se cantonne ensuite à des seconds rôles, frisant même l’anodin en diverses circonstances –Absolute Beginners (1986), comédie musicale à la mode fifties d’un Julien Temple encore bien loin du tranchant de ses documentaires à venir, une bluette charmante dont il signe la chanson-titre, en plus d’y incarner un vendeur de rêve cynique; Labyrinth, de Jim Henson, le créateur des Muppets, sorti la même année, et où il interprète Jareth, le roi des Gobelins, son look improbable surmonté par un appendice capillaire estampillé mauvais goût des années 80 ne suffisant heureusement pas à masquer le talent naissant de Jennifer Connelly.

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Il faut attendre Martin Scorsese, et The Last Temptation of Christ (1988), pour que le chanteur retrouve un rôle à la mesure de sa fascinante présence, celui de Ponce Pilate, dont le phrasé onctueux enrobe le regard perçant alors qu’il envoie le Christ au Golgotha dans une scène mémorable. Dans la foulée, d’autres réalisateurs majeurs mettent l’aura toute personnelle de Bowie au service de leur film. Qui d’autre, par exemple, que l’homme qui venait d’ailleurs pour faire basculer le Fire Walk With Me (1992) de David Lynch en plein cauchemar, le temps d’une apparition tellement stupéfiante qu’il s’en trouve jusqu’aux protagonistes de la scène (le cinéaste lui-même, et Kyle MacLachlan, son alter ego d’alors) pour douter qu’elle se soit jamais produite.

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Au moment de distribuer l’astro-physicien Nikola Tesla dans The Prestige (2006), et par ailleurs dernière prestation notable de l’acteur à ce jour, Christopher Nolan en appellera à son extravagance; celle-là même que Bowie avait su idéalement mettre au service de son interprétation mimétique d’Andy Warhol dans le bluffant Basquiat, de Julian Schnabel (1996), kaléidoscope pop à la mesure excentrique du créateur de Aladdin Sane. Lui prendrait-il d’aventure l’envie de ne plus apparaître à l’écran qu’il resterait ses chansons, toujours susceptibles d’exploser un film dans une autre dimension -ainsi, tout récemment encore, de Heroes, dans The Perks of Being a Wallflower. Voire les films de Duncan Jones, ci-devant fils de David, dont les Moon et autre Source Code ne doivent guère en dispositions intrigantes aux diverses incarnations du père, cet acteur dont le charisme magnétique semble définitivement venu d’ailleurs.

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